Le retour des morts-vivants

  • Copié
S.L., envoyé spécial , modifié à
En un phénoménal raccourci dont eux seuls ont le secret, les Bleus ont réussi le tour de force de métamorphoser l'équipe de plomb, humiliée par les Tonga à Wellington, en un collectif en or, capable de bouter l'Angleterre hors de la Coupe du monde samedi, à l'Eden Park (19-12). Dans ces conditions, et même plus que jamais, tous les espoirs sont autorisés pour cette équipe hors du commun, qui après avoir offert le pire n'aspire plus qu'à offrir le meilleur.

En un phénoménal raccourci dont eux seuls ont le secret, les Bleus ont réussi le tour de force de métamorphoser l'équipe de plomb, humiliée par les Tonga à Wellington, en un collectif en or, capable de bouter l'Angleterre hors de la Coupe du monde samedi, à l'Eden Park (19-12). Dans ces conditions, et même plus que jamais, tous les espoirs sont autorisés pour cette équipe hors du commun, qui après avoir offert le pire n'aspire plus qu'à offrir le meilleur. Memo pour les générations futures en équipe de France : penser à perdre plus souvent face aux Tonga ! On plaisante, mais la vérité n'est pas si loin. A se mettre ainsi minable face aux joueurs du Pacifique et à ainsi toucher le fond à Wellington, les Tricolores se sont infligés le plus sévère des électrochocs et comme le dit si bien Julien Bonnaire, parfait exemple de cette schizophrénie à la française, "peut-être était-ce le bon moment pour prendre ce coup de pied au cul", souligne si bien Julien Bonnaire. Ces Bleus ne sont pas encore bons à interner, bien au contraire, ils ont fait sauter leur camisole, celle qui les maintenait dans une certaine forme de médiocrité. Sur le terrain comme en dehors. Aussi monumental dans son sursaut d'orgueil que Bonnaire et tant d'autres samedi, sur la pelouse de l'Eden Park, Lionel Nallet ne dit pas autre chose: "Il y a une chose qui est certaine : sans combat, on ne peut pas exister. On est une équipe médiocre comme n'importe quelle équipe." Une capacité à être quelconque, mais un don unique celui-là à en faire un ressort collectif pour mieux exprimer son potentiel. Si discret depuis le coup d'envoi de cette Coupe du monde, Emile Ntamack, "très fier des garçons ce soir et du match qu'ils ont fait", ne boude pas son plaisir face à un tel réveil. Et pour cause, lui aussi l'a expérimenté. Un atavisme si précieux: "Une semaine a passé depuis le très mauvais match face aux Tonga, constate Milou. Ce soir, c'était un match incroyable. On a du potentiel, et maintenant, on sait qu'on peut l'exploiter. [...] C'était différent de jouer avec du coeur, et pas tactiquement. Heureusement, maintenant, on reste deux semaines de plus. L'équipe de France a toujours deux visages. Parfois on montre notre pire visage, et parfois notre meilleur." L'Angleterre de Martin Johnson a refait connaissance avec le meilleur des Bleus. Et, comme le dit la presse néo-zélandaise ce dimanche matin, en chambrant gentiment, "l'Angleterre sait maintenant ce que les All Blacks ont ressenti..." La référence au quart de finale de Cardiff en 2007 est évidemment toute trouvée. Servat: "C'est simple le rugby finalement" "C'est un contexte différent, mais c'est quelque part aussi intense, parce qu'on réussit à atteindre les demi-finales", savoure à peine Thierry Dusautoir, capitaine implacable, conscient malgré tout que l'Angleterre, même à enfiler un maillot noir, n'avait rien des Blacks: "Aujourd'hui, on n'a peut-être pas battu la meilleure équipe au monde comme pouvaient l'être les Blacks en 2007, mais on a montré autre chose par rapport à tout ce qu'on avait fait jusqu'ici sur cette compétition. On a montré qu'on pouvait défendre aussi les couleurs de notre pays fièrement." Après avoir garni la vitrine aux horreurs, c'est là un trophée de plus posé au panthéon des Bleus, parmi ces grands exploits, sortis en apparence de nulle part. En apparence seulement car ce coup de force tricolore ne doit rien au hasard. C'est parce qu'ils ont pris conscience du gâchis en cours que les Français ont remis à temps le contact: "On a mis un peu de fierté c'est vrai, lâche en un doux euphémisme William Servat. On est passé à côté la semaine dernière, mais c'est un tout autre match ce soir et que c'est beau de réagir ainsi." Et ce constat, éternel dans ce sport: "C'est simple le rugby finalement, il suffit d'avoir envie: Oui c'est un sport de combat, l'envie fait beaucoup de choses." Elle déplace des montagnes, c'est une évidence, même pour l'Albion, qui n'avait plus perdu un match éliminatoire en Coupe du monde face à une nation du Nord depuis... 1987 et un revers face au Pays de Galles, et qui subit là son plus mauvais résultat dans la compétition. Avec un pied de nez aux Anglais à déguster sans modération... (voir par ailleurs) Il n'y a finalement bien que Dimitri Yachvili, peut-être fâché d'avoir connu ses premiers échecs importants du tournoi face aux perches, mais par ailleurs si précieux par son jeu au pied et sa défense, pour bouder son plaisir: "C'est dommage que ce soit après deux échecs que l'on relève la tête, mais c'est un peu la mentalité française." Un mal pour un bien. "Mais c'est ça le rugby (rires). On est contents au-delà d'avoir gagné ce quart de finale ou d'avoir battu les Anglais, par l'état d'esprit que l'on a montré ce soir. C'est un bon moment. Oui c'était une semaine difficile à vivre. Comme d'habitude, on reste français malheureusement parfois. On a eu peur, on a eu honte mais on avait besoin de ça. On a passé une étape ce soir, mais il faut continuer." Et ne pas prendre un sévère retour de poireau, qui ferait mauvais genre. Un autre défi, surtout un autre terrain psychologique à explorer. En avant les Bleus !