Le procès en brutalité

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S.L., envoyé spécial , modifié à
A J-2 de la finale de la Coupe du monde, la presse néo-zélandaise se déchaîne une fois encore contre les Bleus qu'elle présente comme des brutes et accuse d'être prêts à user de toutes les pires ficelles, jusqu'aux agressions les plus caractérisées, pour tenter d'inverser dimanche, à l'Eden Park, la tendance face à des All Blacks donnés archi-favoris. Les Bleus n'en ont que faire et restent dans leur bulle.

A J-2 de la finale de la Coupe du monde, la presse néo-zélandaise se déchaîne une fois encore contre les Bleus qu'elle présente comme des brutes et accuse d'être prêts à user de toutes les pires ficelles, jusqu'aux agressions les plus caractérisées, pour tenter d'inverser dimanche, à l'Eden Park, la tendance face à des All Blacks donnés archi-favoris. Les Bleus n'en ont que faire et restent dans leur bulle. Il faut bien reconnaître que rien n'aura décidément été épargné aux joueurs de l'équipe de France. Après qu'on leur a contesté en début de semaine, au lendemain de leur qualification au forceps face au Pays de Galles (9-8), leur légitimité à accéder à la finale de la Coupe du monde et à y défier les All Blacks, voilà que la presse néo-zélandaise, à un peu plus de 48 heures de l'évènement, sans doute pas aussi sereine que Graham Henry et ses hommes, sort l'artillerie lourde et entretient un climat tout à fait détestable autour des Bleus. A la une du cahier Rugby du désormais tristement célèbre New Zealand Herald s'affiche ce vendredi "Une histoire de la brutalité gauloise". Rien de moins, le tout illustré par deux clichés en pied de deux anciens Tricolores considérés sans doute ici comme deux Attila des terrains, à savoir l'ancien pilier Pascal Ondarts, dont on sait qu'il ne laissait pas sa part au chien dans le combat, mais, plus surprenant, notre Serge Blanco national, ainsi décrété icône de la brutalité à la française. On croit rêver... Et le plus gros tirage de la presse néo-zélandaise (ce qui, on l'aura compris en l'espèce, n'est en rien un gage de qualité) de dresser le détail des pires agressions françaises dans l'histoire du jeu, de la fourchette d'un Gérard Cholley en 1977 sur un pilier all black au coup de pied d'Alain Plantefol dans la tête du vénérable Colin Meads, en passant par le traitement, un peu trop viril sans doute, du capitaine néo-zélandais Wayne Shelford, sorti de la "Bataille de Nantes", remportée par les Bleus en 1986, le scrotum ouvert ; ou encore les allégations de fourchettes commises par Franck Tournaire lors de la fameuse demi-finale de 1999, à Twickenham. Jusqu'à la plus mauvaise foi pour pointer du doigt la réaction sur l'ailier anglais Nigel Heslop d'un Serge Blanco "assassiné" par le XV de la Rose au cours du quart de finale de la Coupe du monde 1991, perdu au Parc des Princes. "Prenez garde aux saloperies du Français." (Wayne Shelford, ex-capitaine des All Blacks Le tout soutenu par un éditorial de Shelford en personne au titre charmant adressé en forme d'avertissement aux All Blacks: "Prenez garde aux saloperies du Français." Et l'ex-capitaine des Blacks, qui n'a visiblement pas digéré sa rencontre avec Ondarts à La Beaujoire, de décrire par le menu pourquoi les Bleus de Lièvremont, par crainte de la déroute annoncée, n'auront d'autres moyens dimanche que de verser dans la violence la plus primaire, en tout cas d'un autre âge. "Si les choses tournaient mal, la France pourrait perdre de quarante points. Ils ne voudront certainement pas entrer dans l'histoire par un désastre. [...] Ce genre de tactiques est une vieille façon de faire du rugby français." Face à ce déchaînement, deux premières lignes, Nicolas Mas et William Servat, présents ce vendredi en conférence de presse, seront restés de marbre, traitant par le mépris et la plus grande sérénité ces accusations. "Je crois qu'il y a beaucoup d'histoires ou de petites phrases prononcées autour de ce match, constate Servat d'une voix froide et posée. Je ne suis pas sûr qu'on soit d'aussi mauvais garçons que ça. Je n'ai jamais pris de carton rouge, ni même de carton jaune non plus. [...] C'est vrai que lorsque j'ai vu sortir autant d'Australiens blessés (en demi-finale face aux All Blacks), on se rend compte de l'engagement, mais ce n'est pas si violent que ça." A ses côtés, celui qui la veille avait été désigné à la surprise générale au sein du quinze des "bad boys" de ce Mondial, préfère en sourire: "C'est une provocation, mais c'est assez rigolo, juge Nico Mas. J'aime bien le film..., déclare le pilier catalan. Je ne lis pas l'anglais, alors on me l'a traduit. S'ils le pensent, tant mieux pour eux. Mais je ne le pense pas moi. Je n'ai jamais pris de carton rouge dans ma vie et je ne crois pas être un mauvais garçon." Présent à leurs côtés, Joël Jutge, ancien arbitre international aujourd'hui conseiller au sein du staff tricolore, pourra témoigner et surtout rassurer sur la portée d'une telle campagne de presse sur le comportement d'un arbitre tel que Craig Joubert, qui dirigera cette finale (voir par ailleurs). En attendant, Mas fait lui le même constat sur le traitement infligé aux Wallabies par McCaw et sa bande: "Les Australiens sortent le nez en sang, ce ne sont pas non plus des anges. Un match de rugby, c'est aussi des hommes qui s'affrontent. C'est normal qu'il y ait cet affrontement et il n'y a pas qu'une équipe qui va mettre de l'agressivité. Le contexte du match fait que les deux équipes ont envie de gagner. Par tous les moyens. Mais je ne pense pas qu'on soit plus violent que les Blacks." Et Servat de conclure: "Il y a l'agressivité et la passion, il ne faut pas confondre les deux. Et peut-être qu'il y aura beaucoup de passion dimanche..." On jurerait un rendez-vous...