La Rose au pouvoir

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Sylvain LABBE , modifié à
La déroute que l'on pouvait craindre pour le XV de France n'a pas eu lieu samedi, à Twickenham, mais les Bleus, tombés avec les honneurs (9-17) dans le jardin de la Rose, y ont tout de même abandonné leur Grand Chelem. Capables de tenir en échec leur ennemi éternel à la pause, Dusautoir et les siens ont certes craqué à la reprise, mais prouvé qu'à six mois de la Coupe du monde, ils n'étaient pas irrémédiablement lâchés.

La déroute que l'on pouvait craindre pour le XV de France n'a pas eu lieu samedi, à Twickenham, mais les Bleus, tombés avec les honneurs (9-17) dans le jardin de la Rose, y ont tout de même abandonné leur Grand Chelem. Capables de tenir en échec leur ennemi éternel à la pause, Dusautoir et les siens ont certes craqué à la reprise, mais prouvé qu'à six mois de la Coupe du monde, ils n'étaient pas irrémédiablement lâchés. L'English flair a peut-être de beaux jours devant lui, mais il est encore loin d'avoir égalé son modèle français. On se rassure comme on peut, diront certains... Oui, le XV de la Rose a pris sa revanche sur son rival éternel en même temps que le pouvoir sur l'hémisphère nord à la faveur de ce succès (17-9) dans le "crunch". Et tout porte à croire que c'est dans la peau du champion d'Europe et détentrice d'un 13e Grand Chelem que l'équipe de Martin Johnson abordera la prochaine Coupe du monde. Comme elle était déjà partie à la conquête de son premier titre planétaire en 2003. Mais cette courte victoire, loin de la dérouillée annoncée pour les joueurs de Marc Lièvremont, est porteuse d'espoirs pour tout un groupe qui, s'il est apparu encore ô combien perfectible en même temps qu'il abandonnait son titre, a prouvé qu'il avait les moyens et les armes de contester ce rugby total, à défaut d'être tout à fait certain de pouvoir le pratiquer. Il aurait suffi d'un brin de réussite supplémentaire, pour faire pâlir cette Rose contrariée jusqu'à la mi-temps (9-9). Et sans doute de ressources physiques auxquelles les Bleus ne pourront prétendre qu'à l'issue de leur préparation commando de l'été. D'ici là, il faudra sans doute accepter de vivre sous le joug anglais. Et caresser l'espoir de prendre sa revanche en quart de finale du prochain Mondial... Un English flair ? Quel English flair ? Contre toute attente, alors qu'elle est censée tomber du menaçant "back three" anglais, Foden-Cueto-Ashton, la foudre vient cueillir au coup d'envoi le pack tricolore, dominé sur la première mêlée fermée qui offre à Flood l'ouverture du score (3-0, 5e). Le mérite français tient à l'égalisation immédiate, que permet sur le renvoi la faute du centre Hape sous ses barres. Yachvili entre en scène, sans souci (3-3, 7e). La marée blanche n'est pas au rendez-vous et les Bleus tiennent le choc. Enrayée par une défense rigoureuse, la valse à mille temps de la bande à "Johno", si elle donne le frisson aux supporters tricolores, ne trouve pas la faille. Elle pousse malgré tout Dusautoir et les siens à la faute et Flood, digne d'un Wilkinson (13e, 18e), se régale. Mais le buteur anglais trouve aussi à qui parler et la France répond du tac au tac par Yachvili, égal à lui-même à l'heure d'aller cueillir la Rose (19e, 22e) et d'égaliser (9-9). Non seulement le Coq n'a pas été plumé d'entrée, mais il tient fièrement la dragée haute à l'Albion, qui paie cher d'avoir voulu rivaliser avec les "gros" de France en perdant son pilier Sheridan sur blessure (21e). La sanction est immédiate en conquête et on s'enhardit même côté tricolore sur cette relance de Clerc, que Poitrenaud, encore très fébrile et victime de sa mésentente avec Huget, ne peut convertir (25e). Ces Anglais, trop prévisibles, ne sont pas capables de tirer les premiers. Mais on les devine même moins fringants tout à coup, comme décontenancés devant tant de résistance. Il s'en faut d'ailleurs d'un rien pour qu'à la pause Yachvili, des 35 mètres en coin, n'offre l'avantage aux visiteurs (40e). Autant d'espoirs qu'un coup de tabac terrible dès le retour des vestiaires vient annihiler, ou presque. Un dégagement de Yachvili contré par Palmer et le renversement de jeu est fatal, exploité par Foden pour le premier essai de ce match, en coin (14-9, 42e). On frôle même le KO sur ce premier enchaînement de la charnière Youngs-Flood, qui met enfin sur orbite le phénomène Ashton, qui plonge pour... rien, la faute à un en-avant de passe (44e). Wilko est éternel ! C'est la pire reprise possible pour un XV de France soudain méconnaissable et au bord de la rupture, qui enchaîne les pertes de balle. Rien ne va plus dans la maison bleue, qui ne doit qu'à un mauvais choix de Hape de ne pas sombrer (51e). Un coaching s'impose, que Lièvremont opère avec les rentrées de Traille et Bonnaire en lieu et place de Poitrenaud et Chabal. L'entrée de Wilkinson, pour suppléer Flood blessé, est autrement plus remarquée et remarquable avec cette pénalité des 40 mètres, qui redonne au Toulonnais son record de points au niveau international (1 190 points, contre 1 188 à Dan Carter) et creuse l'écart au tableau d'affichage (17-9, 52e). Toutefois, cette équipe de France - comme à chaque fois qu'elle vacille depuis le début de ce Tournoi - sait réagir et s'y emploie. Mais un poteau sur cette nouvelle tentative de Yachvili (54e) et surtout un en-avant atroce de Rougerie dans l'en-but suite à un énorme pressing de sa mêlée et un bon jeu au pied de Trinh-Duc (59e), privent les Bleus du retour espéré. Dans cette fin de match échevelée et même un peu folle (où Trinh-Duc doit céder sa place sur blessure), si l'Angleterre est proche de donner le coup de grâce, on se dit que ces Tricolores, avec un minimum de maîtrise supplémentaire, auraient les moyens de signer un joli hold-up. En vain... Huit points d'écart au final, six mois pour les combler !