La Jacques-Vabre part dans le dur

  • Copié
Par Axel Capron , modifié à
Ils sont 35 tandems, répartis dans trois classes (Imoca, Multi 50, Class 40), à s'élancer du Havre dimanche à 13h02, pour la dixième édition de la Transat Jacques-Vabre, à destination du Costa Rica. Pour sa dixième édition, l'ancienne «Route du Café», orpheline depuis 2009 des grands trimarans Orma, fait la part belle à la classe Imoca, avec 13 tandems affûtés qui s'attendent à vivre des premiers jours de course très musclés...

Ils sont 35 tandems, répartis dans trois classes (Imoca, Multi 50, Class 40), à s'élancer du Havre dimanche à 13h02, pour la dixième édition de la Transat Jacques-Vabre, à destination du Costa Rica. Pour sa dixième édition, l'ancienne «Route du Café», orpheline depuis 2009 des grands trimarans Orma, fait la part belle à la classe Imoca, avec 13 tandems affûtés qui s'attendent à vivre des premiers jours de course très musclés... Tous les deux ans à la fin du mois d'octobre des années impaires, la foule investit les quais du Bassin Paul-Vatine au Havre pour admirer les prototypes sur le point de prendre le départ de la Transat Jacques-Vabre, qui fête cette année sa dixième édition, sa neuvième en double (seule la première fut en solitaire). Une édition qui, comme la précédente, sera privée du spectacle des cavalcades toujours impressionnantes des grands multicoques, la disparition de la classe Orma (trimarans de 60 pieds) ayant laissé un grand vide dans la cité normande, tant elle a marqué l'histoire de la Jacques-Vabre pour ses belles (triplé de Franck Cammas) et ses tragiques histoires (disparition du premier vainqueur, Paul Vatine, hécatombe sur l'édition 2005). Ce vide pourrait être comblé d'ici deux ans avec la perspective de voir la course, comme l'a fait l'an dernier la Route du Rhum (organisée par la même société, Pen Duick), s'ouvrir aux multicoques de la nouvelle classe Ultime (sans limitation de taille). En attendant, c'est la classe Imoca (13 tandems engagés), longtemps frustrée de se retrouver reléguée dans l'ombre de sa «grande soeur à trois pattes», qui tient la vedette médiatique de l'édition 2011, loin devant la classe Multi 50 (multicoques de 50 pieds, 6 engagés) et la Class 40 (16 engagés), de retour après avoir décidé de voler de ses propres ailes en 2009 en s'alignant au départ d'une transat concurrente, la Solidaire du Chocolat. Guillemot: "Ambiance ciré et casque lourd" Il y a deux ans, la transat en double avait couronné un skipper qui attendait pareille consécration depuis de nombreuses années, Marc Guillemot (associé à Charles Caudrelier) au terme d'une traversée qui avait été particulièrement éprouvante. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que l'édition 2011 s'annonce au moins aussi difficile, météorologiquement parlant, puisque la flotte va endurer des premiers jours de course qui pourraient faire des dégâts. Successeur de Charles Caudrelier au côté de Marc Guillemot sur Safran, Yann Eliès ne prend pas de pincettes au moment de dévoiler le menu, copieux, qui attend les 35 bateaux en lice: "Sur le départ, cela sera un beau spectacle, nous aurons des conditions praticables, environ 15 noeuds, en avant d'un système météo dépressionnaire. C'est ensuite que l'affaire se corse... avec un menu Tabasco/sauce Harissa ! On commence par une petite dépression Tabasco dès la nuit de dimanche à lundi, pas très creuse celle-là, mais avec tout de même 20 à 25 noeuds de sud-ouest en sortie de Manche. Ensuite on met le cap au nord-ouest, vers le Fastnet pour essayer le contournement de la dépression sauce Harissa." Et le Briochin d'expliciter: "Elle creuse à 970 hectopascals, avec des vagues de 6 à 9 mètres, des vents de 40 noeuds qui peuvent monter jusqu'à 50 en rafales." Autant dire du très gros temps que les concurrents tenteront d'éviter au maximum, et c'est là que ça se corse, en le contournant par le nord-ouest, c'est-à-dire en s'éloignant considérablement de la route directe vers les Antilles. "Il y a des chances pour que l'on soit obligés de faire cap au nord-ouest pendant trois ou quatre jours. Après, la difficulté sera de savoir comment redescendre", poursuit Yann Eliès, Marc Guillemot ajoutant de son côté: "C'est ambiance ciré et casque lourd. Des conditions proches de l'édition 2009." Alphand, le "coup médiatique" ? Dans ces conditions, on peut s'attendre à voir rapidement émerger en tête de flotte, ceux qui sont réputés pour être des durs au mal: Marc Guillemot et Yann Eliès sont de ceux-là, eux qui sont liés depuis le tragique accident survenu au second lors du dernier Vendée Globe (Marc Guillemot était venu à son secours en tournant autour de lui en attendant les sauveteurs australiens), Vincent Riou-Hugues Destremeau (PRB), Kito de Pavant-Yann Régniau (Groupe Bel), Armel Le Cléac'h-Christopher Pratt (Banque Populaire), Jean-Pierre Dick-Jérémie Beyou (Virbac-Paprec 3) aussi, tous ayant un sacré paquet de milles au compteur en Imoca et certains, comme Marc Guillemot ou Jean-Pierre Dick, double vainqueur de cette Jacques-Vabre (2003 et 2005), déjà trouvé la recette pour briller sur les 4730 milles du parcours (5323 pour les multicoques de 50 pieds, en principe plus rapides). Mais pour arriver devant les autres à Puerto Limon, terminal - très modérément apprécié des concurrents lors de la précédente édition - de cette Jacques-Vabre, il faudra d'abord arriver, c'est-à-dire trouver le meilleur compromis prise de risques-préservation du matériel dans la tempête des premiers jours, commettre le moins d'erreurs possibles, et disposer d'un bateau rapide. A cet égard, cette Transat Jacques-Vabre sera intéressante à suivre dans la mesure où, à un an du Vendée Globe, objectif n°1 de quasiment tous les participants en Imoca, elle donnera quelques indications sur les éventuelles différences de performances entre les anciens et les nouveaux bateaux. Ces derniers sont au nombre de cinq au départ du Havre: dans l'ordre des mises à l'eau, PRB, Virbac-Paprec, Banque Populaire (précédemment appelé Foncia), Cheminées Poujoulat (Stamm-Cuzon) et Macif (Gabart-Col), seul Cheminées Poujoulat, dessiné par le Franco-Argentin Juan Kouyoumdjian, n'étant pas un plan VPLP-Verdier, architectes plébiscités au retour du dernier Vendée Globe (leurs premiers Imoca ont été Safran et Groupe Bel, premier et deuxième de la dernière Jacques-Vabre...). La Route du Rhum en 2010 n'avait pas permis de tirer de grands enseignements de la première confrontation entre anciens et modernes, alors trop jeunes pour réellement être jugés, on en saura sans doute un peu plus après cette Jacques-Vabre, d'autant qu'elle sera suivie d'une régate retour en solitaire, véritable test grandeur nature (qualification à la clé pour certains) en vue du Vendée Globe. Autant dire que cette Jacques-Vabre devrait donner lieu à une belle bagarre en tête de flotte Imoca, tandis qu'en queue de peloton, on suivra les débuts en course au large au côté de Marc Thiercelin de Luc Alphand, qui, après le ski et le rallye, entame une nouvelle reconversion sportive loin de faire l'unanimité dans le microcosme de la course au large, qui n'y voit qu'un "coup médiatique" de son sponsor, DCNS. Mais vu le ramdam qui a entouré l'intéressé au Havre, on peut dire que c'est réussi...