F1 : Hamilton-Rosberg, chronique d'un duel fratricide

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Jérémy Maccaud , modifié à
COHABITATION IMPOSSIBLE - L'un des deux pilotes Mercedes sera titré champion du monde à la fin de cette saison. Dans la douleur.

Une rivalité. C'est leur saison. Lewis Hamilton et Nico Rosberg, tous deux équipiers chez Mercedes, dominent cette année outrageusement le championnat du monde de Formule 1. En ayant remporté jusqu'ici, à eux deux, 10 des 13 Grands Prix déjà disputés, les deux hommes ne laissent que des miettes à leurs adversaires.

Alors qu'il reste encore six courses, Rosberg, l'Allemand, est actuellement en tête du championnat du monde avec 238 points, contre 216 pour le Britannique Hamilton. Leur plus proche poursuivant, l'Australien Daniel Ricciardo, ne compte que 166 unités. Sauf énorme surprise, le titre de champion du monde se jouera entre les deux coéquipiers.

Un enjeu de taille, auquel vient se mêler l'ego et le passif des deux intéressés, et les relations entre les deux pilotes ne pouvaient que s'envenimer. De l'aveu même de Toto Wolff, l'un de leurs nombreux patrons chez Mercedes, au début de saison, la question n'était pas savoir si les deux hommes risquaient d'entrer en conflit. Mais plutôt "quand" ils allaient le faire. Chronique d'un duel fratricide.

1 - Ils se connaissent depuis (trop) longtemps. Quand, à la fin de la saison 2012, Mercedes engage Lewis Hamilton pour venir se battre au côté de Nico Rosberg, les deux hommes évoquent leurs souvenirs. Il faut dire que le Britannique et l'Allemand se connaissent on ne peut mieux. Ils habitent tous deux Monaco et se sont côtoyés dès leurs débuts, dans la même équipe, lorsqu'ils donnaient leurs premiers coups d'accélérateur en karting.

"Imagine si un jour on est en Formule 1", rêvaient-ils, à l'époque. Leur chemin se recroisera de nouveau quelques années plus tard, dans d'autres catégories, avant leur accession au plus haut niveau du sport automobile en 2006 pour Rosberg, et en 2007 pour Hamilton.

De ce passé commun naîtront les bases de la rivalité d'aujourd'hui. Car durant toutes ces années préliminaires à la F1, Lewis Hamilton a constamment dominé Nico Rosberg à armes égales. Un souvenir pas si agréable pour ce dernier, qui a toujours nourri l'ambition de prendre sa revanche sur son "ami", surtout depuis qu'ils disposent de nouveau, chacun de la même voiture.

2 - Au plus haut niveau, il n'est pas d'amitié qui tienne. Au cours de leur première saison ensemble chez Mercedes, les deux pilotes n'ont pu jouer que les outsiders, loin derrière l'outrageante domination de l'équipe Red Bull et de Sebastian Vettel. Pas de quoi détériorer les bons rapports des deux hommes.

En 2014, la donne est totalement changée. L'écurie allemande a su au mieux interpréter la nouvelle réglementation technique qui sanctionne désormais ce sport, et mettre au point la meilleure voiture du championnat. Lewis Hamilton et Nico Rosberg survolent le championnat du monde. Et deviennent respectivement le principal adversaire de l'autre.

Rosberg Hamilton Mercedes Formule 1 Monaco 1280

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3 - Quand la guerre froide s'enclenche. Lors des qualifications du Grand Prix de Monaco, le 24 mai dernier, Nico Rosberg, alors auteur du meilleur temps, rate un freinage et immobilise sa voiture au milieu de la piste. La zone où il se trouve est neutralisée par les commissaires de course, et les concurrents, Lewis Hamilton inclus, ne peuvent plus améliorer leurs performances. L'Allemand s'élancera le lendemain depuis la pole position sur un circuit où il est pratiquement impossible de dépasser, et s'imposera. Pour son coéquipier britannique, cette manœuvre controversée était volontaire. Il l'accuse à demi-mot de tricherie.

Deux mois plus tard, en Hongrie. Dans les derniers tours d'une course totalement folle, Lewis Hamilton se retrouve en 3e position, devant son coéquipier Nico Rosberg. S'il tient son rang, il peut reprendre de précieux points à l'Allemand dans la course au titre. Problème, le Britannique est sur un rythme bien inférieur à son coéquipier. Au point même que son écurie lui demande de le laisser passer. L'Anglais refuse, et résiste jusqu'au bout. Rosberg, quatrième à l'arrivée, est furieux : il estime que sans le bouchon Hamilton, il avait la voiture pour arracher la victoire. Sa vengeance sera terrible.

 

4 – Le vilain geste. Au Grand Prix de Belgique, un mois plus tard, Nico Rosberg s'élance en tête devant son coéquipier. Au départ, pourtant, c'est le champion du monde 2008 qui prend l'avantage. Il ne le conservera pas longtemps : au début du deuxième tour, l'Allemand tente de lui repasser devant avec une attaque ambitieuse et, au moment de lâcher prise, accroche le pneu de son coéquipier avec son aileron-avant. Nico Rosberg n'est étonnamment pas sanctionné par la direction de course. Quant à Lewis Hamilton, son passage forcé aux stands pour changer de roue lui fait perdre tout espoir de bien figurer. L'Allemand finit deuxième et grappille de précieux points, tandis que le Britannique abandonne.  

Dans les coulisses, Rosberg avouera que sa manoeuvre était volontaire. Une réaction, selon-lui, à ce qu'il s'était passé en Hongrie. Son équipe le sanctionnera, sans préciser comment, et il s'excusera officiellement auprès de son coéquipier. Qu'à cela ne tienne, le mal est déjà fait.

Rosberg Hamilton Mercedes Formule 1 Monza 1280

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5 – Une bataille avortée en Italie. C'est dans ce contexte particulièrement tendu que s'est déroulé le Grand Prix d'Italie, ce dimanche. Alors que ce coup-ci c'est Lewis Hamilton qui démarre depuis la première position, le Britannique subit un problème électronique juste avant le départ, perd trois places à l'extinction des feux, et laisse Nico Rosberg prendre le large, en tête.

Le Britannique ne baisse pas les bras, et revient progressivement sur son coéquipier, à la régulière. Se déroule alors une scène étonnante : une fois Hamilton revenu au niveau de son adversaire, ce dernier, au terme d'un freinage raté au bout de la ligne droite des stands, est contraint de court-circuiter une chicane, en empruntant l'échappatoire. La bataille tant attendue - ou redoutée, c'est selon - n'a pas lieu. Lewis Hamilton reprend la première place, qu'il ne lâchera plus jusqu'au drapeau à damier.

L'écurie Mercedes, redoutant de voir ses pilotes de nouveau se toucher, a-t-elle donné l'ordre à Nico Rosberg de couper le virage en question, pour ne pas risquer une lutte fratricide? Tous les principaux intéressés ont démenti cette théorie farfelue, émanant de commentateurs britanniques pro-Hamilton. Mais cette question illustre bien une chose : dans le contexte actuel, la situation à laquelle est confrontée l'écurie risque d'être de plus en plus compliquée. 

Quel avenir ? Un des pilotes risque-t-il d'être "privilégié" d'ici à la fin de saison ? Officiellement "non". Mais l'écurie a déjà fait savoir qu'elle n'hésitera pas à sa séparer de l'un de ses deux pilotes, dans le pire scénario possible, si la situation dérapait encore. Alors qu'il reste six Grands Prix et que les résultats vont être de plus en plus chers, difficile de ne pas l'imaginer.