Entre meilleurs ennemis...

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LAURENT DUYCK , modifié à
Comme les Etats-Unis avec le Canada, comme la France avec l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande entretient une franche inimitié sportive avec l'Australie. Surtout quand il s'agit de rugby. Une rivalité qui promet d'atteindre son paroxysme dimanche à Auckland à l'occasion de la deuxième demi-finale de la Coupe du monde entre les Blacks et les Wallabies, une affiche digne d'une finale.

Comme les Etats-Unis avec le Canada, comme la France avec l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande entretient une franche inimitié sportive avec l'Australie. Surtout quand il s'agit de rugby. Une rivalité qui promet d'atteindre son paroxysme dimanche à Auckland à l'occasion de la deuxième demi-finale de la Coupe du monde entre les Blacks et les Wallabies, une affiche digne d'une finale. Même Victor Matfield s'en amusait, étonné la semaine dernière de recevoir des messages de soutien de la rue avant d'affronter les Wallabies en quarts de finale. "J'ai l'impression qu'ils détestent les Australiens plus qu'ils nous haïssent..." Malgré une terrible domination territoriale, l'Afrique du Sud n'a pu profiter dimanche dernier de cette soudaine et inattendue sympathie pour priver la Nouvelle-Zélande de chaudes retrouvailles avec l'Australie en demi-finales de la Coupe du monde. Même avancée d'une semaine sur le programme théorique, cette affiche, montée dimanche à l'Eden Park, a ranimé la franche rivalité qu'entretiennent les All Blacks et les Wallabies depuis des lustres. "122 ans d'animosité", résumait vendredi The Daily Telegraph, un quotidien australien à sensation, en revenant sur les grandes dates de cette histoire. "Cette rivalité existe depuis toujours. Les Néo-Zélandais envient un petit peu leurs voisins australiens. Et c'est très important pour eux de battre les Wallabies", témoigne Yann Delaigue qui, imprégné pendant un mois en Nouvelle-Zélande en qualité de consultant pour Canal+, a pu se faire une idée un peu plus précise des rapports unissant les deux voisins les plus éloignés de la planète. Oh, rien de bien méchant, juste de vieilles rancunes et quelques attaques faciles, comme ce qui se pratique entre la France et l'Angleterre, à l'image de ce message de la Fédération australienne de rugby dans lequel elle se moque à la fois du slogan de la Coupe du monde et affirme son sentiment de supériorité: "L'ARU en appelle à tous les Australiens pour que les Wallabies fassent comprendre aux All Blacks que, s'ils jouent dans un stade de 4 millions de spectateurs, ici en Australie nous sommes une équipe de 22 millions". Des piques relayées par la presse des deux camps qui prêtent même parfois à sourire, le New Zealand Herald, quotidien de référence en Nouvelle-Zélande, ayant ouvert le bal avant la compétition avec cette photo de Quade Cooper, ce Kiwi exilé à l'âge de 13 ans de l'autre côté de la Tasmanie, présenté comme l'ennemi public n°1 devant l'opossum, ce petit animal venu d'Australie qui détruit les forêts néo-zélandaises... Réponse cette semaine du Daily Telegraph qui proposait dans ses pages une poupée vaudou aux traits de Sonny Bill Williams, autrefois adulé en Australie avant son départ à la sauvette, à découper et à (mal)traiter à sa convenance, oubliant peut-être que ce jeu avait déjà été imaginé sans succès en 2003 avec l'Anglais Jonny Wilkinson, bourreau des Wallabies en finale... Deans, le faux-frère Voilà pour le folklore. Mais ça s'annonce tout aussi piquant sur le terrain après une semaine au cours de laquelle All Blacks et Wallabies, sans mettre d'huile sur le feu, se sont plus à commencer le match, les uns en montrant du doigt le comportement de David Pocock dans les regroupements (un comble quand on connaît la réputation de Richie McCaw. Lire: McCaw dans les règles de l'art ?), les autres en fouillant dans le passé noir de leurs adversaires... A ceux qui lui rappelaient que l'Australie n'avait plus gagné à l'Eden Park depuis 1986, Ricky Elsom, le capitaine des Wallabies, répliquait ainsi froidement: "Arrêtez une minute avec nous. C'est l'équipe n°1, dans un pays qui n'attend qu'une chose, qu'elle gagne la Coupe du monde. Je ne peux pas parler pour eux(les Néo-Zélandais), mais j'ai le sentiment qu'ils ne tolèreront rien d'autre." Après ça, pas besoin de rappeler les deux précédents entre les deux équipes en Coupe du monde remportés par les Wallabies... Mais au cas où, et c'est de bonne guerre tant il a été soigné depuis le début de la compétition, Cooper, né dans la même ville que Keven Mealamu et Richard Kahui, en rajoutait une couche. "Ils étaient censés remporter les trois dernières éditions et ça n'a pas changé", glissait-il malicieusement. "Ils ont l'obligation de gagner chez eux. Et je suis sûr qu'ils sont plus concernés par leur jeu que par moi..." Des chamailleries rien de plus normales comme l'expliquait Luke Burgess, le demi de mêlée australien: "A cause de la proximité entre les deux pays, on est quelque part frères, et il y a toujours une importante rivalité familiale." Son sélectionneur, Robbie Deans, ancien All Black passé dans le camp australien, ne pouvait qu'approuver: "Vous respectez beaucoup votre frère, vous vous connaissez bien l'un l'autre, vous connaissez les forces et les faiblesses de chacun, et il y a toujours beaucoup d'intention, d'enthousiasme à cause de ce lien affectif". Et Burgess de conclure: "Mais cette rivalité est formidable. Elle permet aux deux nations de donner le meilleur d'elles-mêmes." Ne reste plus qu'à régler ça sur le terrain !