Des adieux de Marc

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Propos recueillis par SYLVAIN LABBE , modifié à
Au lendemain de la si cruelle défaite (8-7) de l'équipe de France en finale de la Coupe du monde face aux All Blacks, alors que dans les rues d'Auckland résonne la parade des vainqueurs, Marc Lièvremont a fait ce lundi face à ses responsabilités jusqu'à l'ultime minute. Une dernière conférence de presse faite de larmes et d'ultimes confidences sincères et poignantes sur l'expérience d'un sélectionneur pas comme les autres, qui va manquer au sport français.

Au lendemain de la si cruelle défaite (8-7) de l'équipe de France en finale de la Coupe du monde face aux All Blacks, alors que dans les rues d'Auckland résonne la parade des vainqueurs, Marc Lièvremont a fait ce lundi face à ses responsabilités jusqu'à l'ultime minute. Une dernière conférence de presse faite de larmes et d'ultimes confidences sincères et poignantes sur l'expérience d'un sélectionneur pas comme les autres, qui va manquer au sport français. "Je n'étais pas obligé puisque mon contrat a pris fin hier. " Dans l'une des salles de réception nettement moins garnie que durant cette semaine, où seules les irréductibles de la presse française se pressent encore, Marc Lièvremont a trouvé les ressources pour venir se plier une dernière fois à l'exercice de la conférence de presse. "Parce que j'ai peur que vous me manquiez... ", ajoute-t-il, lui qui dès lundi ne sera plus officiellement sélectionneur de l'équipe de France. "C'était la semaine des dernières, donc c'est ma dernière conférence de presse parce que quoi qu'il arrive, et quand bien même nous aurions gagné hier (samedi), je peux vous assurer que vous n'allez pas beaucoup me voir, ni m'entendre dans les jours et les semaines qui vont venir. Je vais laisser les nombreux consultants qui ont su argumenter en permanence pour dire à quel point cette équipe de France était minable et expliquer comment elle avait réussi, tout en étant aussi minable, à faire trembler les All Blacks sur leurs terres pendant quatre-vingt minutes." Le ton est donné. Et pourtant Lièvremont n'a pas choisi de venir régler ses comptes. Simplement de dresser son bilan d'une mission de près de quatre ans, faite de très hauts, mais aussi beaucoup de bas, de coups de gueule et de maladresses, au cours de laquelle le jeune entraîneur qu'il était à sa nomination a évolué, s'est endurci, a plié, mais n'a jamais cédé, toujours droit et honnête avec les autres, comme avec lui-même, pour laisser l'empreinte d'un homme atypique à son milieu, mais terriblement attachant. LA FINALE: "La plus belle de tous les temps" "J'ai pensé toute la semaine à un échange que j'ai eu avec Fabien Pelous au soir de la demi-finale, où j'exprimais, comme souvent mes doutes avant cette finale, et qui me disait que de tout temps, des générations d'équipe de France ont réussi à sortir un match d'anthologie durant une Coupe du monde. Et je ne veux pas penser que le quart de finale contre les Anglais, aussi abouti qu'il a pu être, ait pu être un match d'anthologie. Je me suis accroché à ça toute la semaine et les joueurs ont sorti au meilleur moment un match d'anthologie. C'est toujours difficile de comparer les générations, de comparer les exploits, mais peut-être compte tenu du contexte, que leur performance est la plus belle de tous les temps, si ce n'est qu'ils ont perdu ce match. Parce que c'est difficile de se battre contre tout un peuple et comme je le disais hier (dimanche), l'équipe des All Blacks mérite cette victoire pour tout ce qu'elle a accompli depuis 24 ans. Et il restera à nos joueurs l'immense fierté d'avoir fait douter les meilleurs joueurs du monde durant quatre-vingt minutes. Et puis, après tout, un titre de champion du monde, on en fait toute une histoire, ça n'est que trois victoires consécutives... Ça n'a pas été le cas." LES JOUEURS: "Touché par les marques d'affection " "J'envie aux joueurs malgré la déception d'avoir pu jouer ce match d'anthologie. Je sais pour l'avoir vécu que les plaisirs, le bonheur du devoir accompli, tu ne les vis que quand tu es joueur. Entraîneur, tu es toujours perturbé, tu as toujours un souci quelque soit le match. Mais ce qu'ont fait les joueurs, c'est beau, ils se sont responsabilisés, comme je l'ai dit depuis plusieurs semaines." "Je crois même qu'ils m'ont fait la gueule toute la semaine dernière, suite à ma dernière sortie (il fait référence aux sales gosses, ndlr). D'ailleurs, je n'ai pas voulu leur remettre le maillot parce que c'est quelque chose de symbolique, où l'on exprime sa confiance et son estime, donc je pensais, peut-être à tort, que cette relation avait été abîmée depuis une semaine. Et j'ai été aussi particulièrement touché par les marques d'affection des uns et des autres, même si je sais depuis longtemps qu'on n'entraîne pas pour avoir en retour de la sympathie ou de la gratitude parce qu'on fait des choix, qui sont forcément mal compris, mais qu'il faut assumer. Moi, j'ai toujours eu du respect et de l'affection pour mes joueurs, j'espère que les jours et les semaines passant, la totalité du groupe gardera un minimum d'estime pour moi. J'espère que cette aventure va les rendre plus forts, va les aider dans leur vie d'hommes. Ils ne seront pas champions du monde, ils n'en méritent pas moins le respect." "Pour revenir sur l'histoire des « sales gosses », c'est comme ça que j'appelle mes propres enfants, qu'avec mes frères et les soeurs, quand on parle de nos enfants, on dit: « Comment vont tes sales gosses ? », donc évidemment c'était affectueux, même si le timing n'était pas forcément idéal. Mais j'assume, comme j'assume tout le reste depuis quatre ans. J'ai entendu aussi parlé d'autogestion... Loin de moi l'envie de m'attribuer une quelconque paternité de ce non résultat, puisqu'on a perdu, mais je me souviens de 1999 que j'ai vécu -et je voudrai rendre grâce à Jean-Claude Skrela- je me souviens aussi du Stade Français 2000, où on a aussi parlé d'autogestion, dans ces deux cas, manque de pot, j'étais là. Mais à chaque fois en fait, il y a eu quinze hommes en colère qui se sont pris en mains, se sont responsabilisés, accompagnés de leur staff, et je crois que ça a été encore une fois le cas cette fois-ci." NI REGRETS, NI HERITAGE : "C'était une jolie parenthèse" "A aucun moment je n'ai regretté d'avoir accepté ce poste. Aujourd'hui moins que jamais et je sais aussi, que le temps aidant, la mémoire étant sélective, on ne garde que le meilleur ; déjà, je suis encore assez ému de ce qu'on a pu vivre durant ces quatre ans, durant ces quatre mois pour savoir que je ne regrette pas. Je ne crois pas que je sois devenu un autre homme, je pense justement être resté le même, mais je crois qu'être entraîneur de l'équipe de France durant quatre ans, ça n'est pas une forme d'aboutissement, c'était une jolie parenthèse et il est temps de passer à autre chose." [...] "Je ne vais rien transmettre du tout ; il y a des décideurs, il y a des dirigeants. Je crois, oui, d'une certaine manière, être assez idéaliste, donc j'ose espérer toujours le meilleur pour le rugby français, j'ose espérer qu'enfin nos dirigeants sauront s'entendre pour un rugby français plus fort, que ce soit l'équipe de France ou les clubs, mais pour moi, c'est terminé." (en fait, son contrat court sur encore quelque mois et Pierre Camou, le président de la FFR lui a proposé de se maintenir au sein du giron fédéral: lire FFR: Lièvremont)