De battre le coeur d'un pays va s'arrêter

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S.L., envoyé spécial , modifié à
La tension monte en Nouvelle-Zélande, où à 48 heures de la finale de la Coupe du monde, le statut d'archi-favoris des All Blacks ne suffit pas à masquer l'anxiété de tout un peuple, qui n'en finit plus de guetter un sacre attendu depuis 24 ans. Avides de panser les plaies d'une année douloureuse à plus d'un titre, les fans de McCaw et ses coéquipiers ne peuvent concevoir un nouveau camouflet français. Pourtant, le spectre rode toujours.

La tension monte en Nouvelle-Zélande, où à 48 heures de la finale de la Coupe du monde, le statut d'archi-favoris des All Blacks ne suffit pas à masquer l'anxiété de tout un peuple, qui n'en finit plus de guetter un sacre attendu depuis 24 ans. Avides de panser les plaies d'une année douloureuse à plus d'un titre, les fans de McCaw et ses coéquipiers ne peuvent concevoir un nouveau camouflet français. Pourtant, le spectre rode toujours. "On a trop pleuré à cause de vous, il y a quatre ans. Maintenant, il faut nous laisser gagner." Janet a plus de soixante ans et cette dame bien mise, qui est aussi une fan inconditionnelle des All Blacks, pour un peu, vous implorerait presque de faire en sorte que les hommes de Lièvremont ne jouent pas le pire tour de l'histoire du rugby dimanche, sur la pelouse de l'Eden Park. Dire que la Nouvelle-Zélande a encore une peur bleue serait sans doute un brin exagéré, tant l'équipe de France s'est employée depuis maintenant près de deux mois de compétition aux antipodes à brouiller son image et à paraître si peu crédible dans le rôle de pire cauchemar des All Blacks. D'ailleurs, un sondage, réalisé pour le site nzherald.co.nz, indique qu'ils sont tout juste 52 % à se déclarer "raisonnablement confiant, mais nerveux" à l'approche de l'évènement. Et encore tout de même 17% à se dire "terrifiés à l'idée que les Français vont produire un des grands matches dont ils ont le secret" (voir par ailleurs). Deux défaites en phase de poule, dont un revers sans appel à près de quarante points (37-17) aux allures de rédemption pour les hommes de Graham Henry, ont pourtant déjà sérieusement écorné la réputation des Tricolores, qui auraient perdu le peu qu'il leur restait de crédibilité aux yeux de tout un peuple au cours d'une demi-finale gagnée comme par miracle et contre le cours du jeu face aux Gallois (9-8). De quoi combler d'aise ce stade de quatre millions de supporters, comme le proclame le slogan de cette septième Coupe du monde, que la démonstration de force réussie vingt-quatre heures plus tard aux dépens du rival australien, mis en pièces (20-6) sans l'ombre d'un doute, n'a fait que conforter dans l'idée du sacre annoncé. Sentiment que la presse nationale n'avait fait que grandir en titrant à quelques heures de cette finale avant l'heure face aux Wallabies: "80 minutes, et on va bien rire !" Mini baby-boom et risques cardiaques La mise au ban des Bleus, coupable de tous les maux, ou presque, par une bonne partie de la planète rugby, ou plutôt devrait-on dire sa frange très britannique, trop heureuse de taper sur ces maudits « froggies », contribue ainsi à l'idée que jamais dans l'histoire de la Coupe du monde, une finale n'aura été sur le papier à ce point déséquilibrée. Et déjà l'on prédit le plus gros écart de points de l'histoire au tableau d'affichage de l'Eden Park... Bref, l'histoire est déjà écrite pour une nation qui, vingt-quatre ans après le premier sacre de l'Eden Park en 1987, guette de voir les McCaw, Nonu, Smith, Mealamu, Weepu, Cruden,.. succéder aux Kirk, Fox, Jones, Kirwan et autre Fitzpatrick dans la légende. Une attente terrible, dont on peine à mesurer la dimension, mais qui tient en haleine tout un pays pour lequel un deuxième couronnement dimanche représenterait, après les séismes de l'année écoulée et alors qu'une marée noire est en train de saccager ses côtes, à coup sûr bien plus qu'un simple titre. On apprend ainsi qu'ici, une victoire néo-zélandaise suffirait à provoquer un mini baby-boom, comme ce fut le cas après le sacre de juin 1987. En mars 1988, soit neuf mois après la première victoire des All Blacks sur les Bleus (29-9), l'augmentation fut sensible, quand les contre-performances de 2003 et 2007, marquèrent tout autant la courbe des statistiques. On l'aura compris, le rugby, les All Blacks et ce titre de champion du monde signifient ici bien plus qu'une simple ligne supplémentaire sur un palmarès. Une étude médicale à la une du plus grand quotidien national cette semaine allait même jusqu'à expliquer les risques d'attaque cardiaque quand son équipe préférée est sur le terrain, chiffres à l'appui révélant qu'un pic de 30 à 40 battements de coeur par minute avait été enregistré au moment même où Ma'a Nonu inscrivait l'unique essai de la victoire face aux Wallabies. On imagine, mal, c'est certain, les conséquences et les autres répercussions d'une défaite de McCaw et des siens dimanche.