De Pavant: "Une appréhension"

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Propos recueillis par LAURENT DUYCK , modifié à
Contraint à l'abandon sur la Route du Rhum, victime d'une avarie de quille sur Groupe Bel, Kito de Pavant a vite tourné la page pour se présenter au départ de la Barcelona World Race. Un tour du monde en double qui tient à coeur de ce Languedocien, amoureux de la Méditerranée, lequel découvrira, sauf problème, les mers du sud pour la première fois, en compagnie de Sébastien Audigane.

Contraint à l'abandon sur la Route du Rhum, victime d'une avarie de quille sur Groupe Bel, Kito de Pavant a vite tourné la page pour se présenter au départ de la Barcelona World Race. Un tour du monde en double qui tient à coeur de ce Languedocien, amoureux de la Méditerranée, lequel découvrira, sauf problème, les mers du sud pour la première fois, en compagnie de Sébastien Audigane. Vous restez sur un abandon prématuré lors de la Route du Rhum. Cette course, qui arrive vite, peut-elle vous permettre de digérer plus rapidement cette frustration ? Ça n'atténue pas la déception, on met toujours beaucoup d'énergie au départ d'une course. Surtout pour cette Route du Rhum qui me tenait particulièrement à coeur. Ceci dit, c'est vrai que ça évite de gamberger, on passe tout de suite à l'action pour préparer cet autre défi qui est encore plus important. Et il y a beaucoup de boulot, plus que prévu parce qu'on a eu quelques emmerdes (casse de l'axe qui relie la tête de quille au vérin pour actionner la quille, ndlr). Comme on ne pensait pas que cette pièce pouvait casser, on est allé chercher un peu plus loin les risques possibles de casse. On a un bateau qui a trois ans, qui est validé. Mais ce qui a été validé est-il susceptible de durer encore ? Ça demande un peu plus d'expertise. Et ça nous permet de partir un peu plus confiant encore parce qu'on a tout vérifié. Cet abandon n'était malheureusement pas le premier, après un Vendée Globe déjà écourté... On retient ces malheurs sur la Route du Rhum et le Vendée Globe mais curieusement on n'a pas eu beaucoup d'ennuis avec le bateau, on a eu plutôt de très bons résultats. C'est vrai que ces deux abandons sont dommages, parce que c'étaient deux gros objectifs et les deux courses les plus exposées... Mais, en dehors de ça, on a eu très peu d'ennuis. Et chaque fois qu'on en a eus, ça a été suivi de très bons résultats avec le bateau donc on va rester sur cette impression-là. "Ce sont surtout les hommes à bord qui font la différence" Vous avez quand même eu l'occasion de vous confronter aux nouvelles machines sur la Route du Rhum, course remportée par Roland Jourdain sur un bateau d'ancienne génération. Cela vous a-t-il rassuré sur la capacité de votre bateau de rivaliser avec les nouvelles unités ? On n'était pas vraiment inquiet. D'abord parce qu'on connaît très bien ces nouveaux bateaux qui sont issus du nôtre et de Safran (plan VPLP). Et puis, en raison de la modification de la jauge, ils ne pouvaient guère être plus rapides que les nôtres. Et peut-être sont-ils un peu moins polyvalents que les nôtres même s'ils sont certainement plus rapides à certaines allures. Ce sont des bateaux puissants, plus larges, mais moins toilés que les nôtres. On a la chance d'avoir gardé un mât un peu plus haut, donc plus de toile, notamment au portant, ce qui représente 70% d'un tour du monde, du moins je l'espère. Ça n'en reste pas moins de sacrés bateaux qui seront parmi les favoris. De nouveaux bateaux avec de sacrés équipages aussi... Oui, il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas que les bateaux, ce sont surtout les hommes à bord qui font la différence, surtout sur une épreuve qui dure trois mois. Mais la course ne se résumera pas à eux. Il y a beaucoup de très bons équipages, notamment chez les Espagnols. Et s'il y a un favori pour moi qui sort du lot, c'est certainement Estrella Damm avec Alex (Pella) et Pepe (Ribes) qui ont un très bon bateau (Paprec-Virbac 2 avec lequel Jean-Pierre Dick et Damian Foxall ont remporté la première édition de la Barcelona World Race, ndlr) et qui naviguent ensemble depuis un an et demi. Ce sont les seuls qui ont fait beaucoup de milles ensemble sur leur bateau, ils ont beaucoup travaillé et ce seront des clients très sérieux. Ça ne sera pas une course franco-française, bien au contraire, et c'est ça qui est intéressant. On est très heureux de pouvoir se confronter à cette armada espagnole. Vous avez terminé deuxième de la Transat Jacques-Vabre 2009, une transatlantique en double. Aborde-t-on différemment un tour du monde ? Oui, parce qu'un tour du monde, c'est l'équivalent de six transats. Une Transat Jacques-Vabre, c'est long déjà, c'est une vraie épreuve. Mais là, c'est un autre rythme. Et avec Seb (Audigane, son co-skipper), on a l'habitude, on se connaît bien, on a couru la Transat AG2R ensemble cette année. Ce n'est pas rien, c'est 25 jours... Maintenant pour gagner, il faut arriver. Donc il faut préserver le matériel. Et il faut un peu de réussite, voire beaucoup, parce qu'on fait quelque chose presque impossible : un tour du monde à la voile, sur des bateaux aussi extrêmes que les nôtres, c'est vraiment difficile. "La Méditerranée offre des passages à niveaux qui peuvent être douloureux" Le fait de bien se connaître, c'est un gage de réussite ? Non mais ça permet d'être performant. S'il y a une qualité importante sur ce tour du monde en double à avoir, c'est de bien s'entendre sur le bateau. Toutes les décisions importantes, on les prendra ensemble. Je ne vais pas imposer mes choix. Si on n'est pas d'accord, c'est moi qui aurai le dernier mot parce que c'est mon projet mais on va essayer au préalable de discuter, d'argumenter et de savoir pourquoi l'autre n'est pas d'accord. Quant à l'organisation à bord, on est parti sur un rythme de trois heures sur le pont. Mais ce rythme peut être modifié par les conditions météo, les manoeuvres, les emmerdes que l'on pourrait avoir, ou la fatigue de l'un ou de l'autre. Vous vous présentez au départ pour la première fois. Qu'est-ce qui vous séduit dans cette course ? Ce qui me plait, c'est de partir de Barcelone et d'y revenir. J'habite à Montpellier, je suis voisin de Barcelone, le Languedoc-Roussillon et la Catalogne, ce sont un peu le même pays. Je m'y sens chez moi. Et puis la Méditerranée, c'est une mer que j'aime bien, je défends ses valeurs. Ceci dit, on ne va pas passer beaucoup de temps en Méditerranée. Et puis, c'est un tour du monde, et je ne connais pas encore les mers du Sud. J'ai une petite appréhension et une grande envie aussi d'aller voir ce qui se passe plus bas. La course peut-elle se jouer en Méditerranée, à l'aller comme au retour ? La Méditerranée a cette particularité d'offrir des passages à niveaux qui peuvent être douloureux. Il y a des caps, il y a des endroits où il n'y a pas de vent. Certains bateaux peuvent s'échapper et passer Gibraltar avec quelques heures d'avance, voire plus. Et à partir de là, la course ne sera pas la même. Ça ne veut pas dire que tout va se faire là. Mais ça peut être un danger. Ça peut être cruel pour certains. A l'aller comme au retour où ça peut aussi compresser les concurrents...