De Pavant: "Je suis assez serein"

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Propos recueillis par AXEL CAPRON , modifié à
Premier arrivé au Havre jeudi après un convoyage de 12 jours, Kito de Pavant espère être également le premier à en finir au Costa Rica, terme de la dixième édition de la Transat Jacques-Vabre dont le départ sera donné le 30 octobre du Havre. Deuxième il y a deux aux avec François Gabart, le skipper de Groupe Bel fait cette fois équipe avec Yann Régniau, avec l'ambition de faire mieux qu'en 2009, c'est-à-dire gagner...

Premier arrivé au Havre jeudi après un convoyage de 12 jours, Kito de Pavant espère être également le premier à en finir au Costa Rica, terme de la dixième édition de la Transat Jacques-Vabre dont le départ sera donné le 30 octobre du Havre. Deuxième il y a deux aux avec François Gabart, le skipper de Groupe Bel fait cette fois équipe avec Yann Régniau, avec l'ambition de faire mieux qu'en 2009, c'est-à-dire gagner... Cette saison 2011 a été très pauvre en courses dans le calendrier Imoca, en raison notamment du report d'un an du Tour de l'Europe, qu'avez-vous fait ? On a quand même eu deux mois de Barcelona World Race au début de l'année et même si ça ne s'est pas bien terminé (abandon début mars pour une avarie de quille, ndlr), on a plus navigué que d'autres. Comme le bateau s'est arrêté à Ushuaia, le début de l'année a été un peu difficile parce qu'il a fallu organiser le rapatriement et lancer la construction d'une nouvelle quille. Au retour, on a réparé le bateau, reconstruit quelques pièces, notamment la quille, qu'il fallait reconstruire à toute allure parce que derrière, on devait être au départ du Tour de l'Europe en mai. Ce n'est qu'une fois la quille refaite qu'on nous a annoncé que la course ne se ferait pas, ce qui nous a conduits à modifier notre programme: au départ, comme on devait aller en Angleterre, on avait prévu un chantier en Normandie, on l'a finalement fait chez nous, à Port-Camargue. Ça nous a aussi laissé du temps pour s'entraîner, on a beaucoup bossé, notamment sur les modifications qu'on a faites en vue du Vendée Globe. Quelles modifications ? On a fait de grosses modifications sur le rouf, car la protection du barreur était insuffisante. On a mis du volume, ce qui nous permet aujourd'hui de barrer en-dessous alors qu'avant, on était au-dessus ! Sinon, à ce stade d'évolution du bateau, on travaille moins sur les performances intrinsèques du bateau que sur la gestion de l'homme, de la fatigue... le but est de rendre le bateau un peu plus confortable. A côté de ça, on a fait une nouvelle bôme, modifié les chandeliers et les filières pour les alléger, changé les batteries et le système de gestion de l'énergie, ça a été un gros chantier, pénible aussi parce qu'il a fait très chaud dans le sud cet été, les gars étaient bien fatigués lorsqu'on a remis le bateau à l'eau. Rouf renforcé, ça veut dire bateau plus lourd, non ? Groupe Bel était l'un des bateaux les plus légers de la flotte et depuis sa mise à l'eau, on n'a pas arrêté d'essayer de gagner du poids. Mais il faut aussi savoir ajouter du poids utile, notamment pour renforcer certaines zones. On peut être extrême, mais à un moment donné, il faut aussi être raisonnable. On a quand même gagné en surface de voile, amélioré l'ergonomie et le confort, ce n'est pas toujours compatible avec le gain de poids, mais le rendement du bateau ne passe pas toujours par son allègement, il faut aussi parfois ajouter des éléments. "On va enfin faire un peu de sport" La deuxième édition du Tour de l'Europe a été reportée d'un an au printemps dernier, était-ce une déception pour vous et votre sponsor ? Oui, d'abord pour moi personnellement, parce que j'avais particulièrement oeuvré pour que la première édition se fasse, la deuxième aussi, mais il y a des aléas qu'on ne maîtrise pas toujours et à l'arrivée, franchement, l'année n'est pas bonne. D'autant que depuis un an, on n'a un peu que des emmerdes: des abandons sur la Transat AG2R, sur la Route du Rhum et la Barcelona World Race, la Course de l'Europe qui s'annule, c'est lourd ! En plus, pour Bel, ce Tour de l'Europe avait une cohérence au niveau de leur activité parce que c'est un groupe qui se développe beaucoup en Europe et sur le pourtour méditerranéen. J'espère que la Transat jacques-Vabre va bien se passer... Comment expliquez-vous que l'Imoca n'arrive pas à mettre sur pied un calendrier pérenne ? Il y a plein d'éléments qui entrent en jeu. D'abord, on est sans doute un peu trop optimistes en général, on compte sur le bon-vouloir des skippers, mais on se rend compte que certains ne sont pas très moteurs. Peut-être faut-il être un peu plus agressif, instaurer des sanctions, ce serait bien de se pencher sérieusement sur la question. Après, le projet de faire cette course en juin, seulement trois mois après la Barcelona, était peut-être trop ambitieux. Il y a aussi un manque de confiance de certains envers les organisateurs, notamment celui du Tour de l'Europe, certaines équipes «bretonnes» voient ça d'un peu loin. Parlons désormais de la Transat Jacques-Vabre, et à plus long terme du Vendée Globe dans un an, comment voyez-vous la concurrence des nouveaux bateaux mis à l'eau depuis plus d'un an ? On a eu un premier aperçu l'an dernier sur la Route du Rhum puis sur la Barcelona World Race, et franchement, je ne suis pas plus inquiet que ça. Il y a un nivellement par le haut, c'est intéressant de voir cette concurrence différente. On va enfin faire un peu de sport, de la vraie régate. Pour ce qui concerne les nouveaux, il y a quatre VPLP (plans VPLP-Verdier, à savoir Virbac-Paprec 3, Banque Populaire, Macif et PRB, ndlr), ce qui portera à environ 50% du plateau le nombre de bateaux ayant les mêmes options architecturales. A côté, il y a le bateau de Bernard (Stamm, Cheminées Poujoulat dessiné par Juan Kouyoumdjian, ndlr), qui est un peu plus extrême. Il a l'air assez rapide, très puissant, performant au reaching, mais il a aussi certains défauts: je pense qu'il doit avoir un peu plus de mal au portant et dans les petits airs, il est sûrement plus difficile à manier aussi. Il est plus large que les autres, mais comme la nouvelle jauge limite la surface de voiles, il n'a pas la possibilité d'exploiter cet avantage. Maintenant, je ne pense pas qu'il y ait des différences fondamentales de vitesse entre les bateaux, ça va se jouer surtout sur les options, la gestion du matériel et des bonshommes. Je pense que la course va être super intéressante, la nouvelle jauge est pas trop mal foutue, les restrictions vont plutôt dans le bon sens dans le sens où on risquait de pousser un peu au crime en faisant toujours plus léger. "Il faut d'abord qu'on finisse la course, ensuite qu'on fasse du buzz !" Quel souvenir gardez-vous de la Transat Jacques-Vabre 2009 ? Plutôt un bon souvenir, le bateau allait vite, on fait deuxième du Tour de l'Europe puis deuxième de la Transat Jacques-Vabre, ça faisait du bien d'obtenir des résultats, surtout après le Vendée Globe qu'on avait connu. On avait eu de bonnes sensations avec le bateau, on essaie de les garder, mais je suis assez serein sur l'histoire. Vous faisiez équipe avec François Gabart qui vole désormais de ses propres ailes, puisqu'il sera l'un de vos concurrents sur Macif, comment voyez-vous son ascension express ? Il mérite ce qu'il lui arrive car il est talentueux, il a vraiment envie de faire ça depuis longtemps. Il a aussi eu de la réussite, ça va super vite pour lui, maintenant, je serai ravi de l'accueillir au Costa Rica ! Cette fois-ci, vous formez un tandem avec Yann Régniau, pourquoi lui ? Il faisait partie de la liste réduite des noms que j'avais retenus, sachant que certains de mes concurrents ont dégainé plus vite que moi. Yann s'était déjà proposé il y a quatre ans, il avait aussi failli la faire avec Jean Le Cam, on s'est dit que c'était le moment. On s'est connus en naviguant sur le trimaran Bonduelle avec Jean, depuis on se voyait régulièrement. Le premier coup de fil que j'ai passé quand j'ai su qu'on lançait la construction du bateau, c'est à lui pour lui demander d'en dessiner les voiles, car avant de dessiner la coque, il faut avoir cerné le gréement. Du coup, il connaît le bateau par coeur, il est dans le projet Groupe Bel depuis cinq ans, on s'entend en plus très bien, j'espère qu'une fois arrivés au Costa Rica, ce sera la même chose ! Comment comptez-vous fonctionner en double ? Contrairement à ce que j'ai fait auparavant, Yann va avant tout s'occuper de faire marcher le bateau vite, et moi, je serai plus sur la stratégie et les systèmes internes. En gros, moi à l'intérieur du bateau, lui à l'extérieur ! C'est dans cette direction qu'on a travaillé cette année. Avez-vous une pression du résultat sur cette Jacques-Vabre ? Je n'ai pas besoin qu'on me la mette, il faut d'abord qu'on finisse la course, ensuite qu'on fasse du buzz ! Si possible en gagnant...