Brennus sous la Coupe

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S.L. , modifié à
Comme tous les quatre ans et peut-être plus que jamais, le Top 14 fait une rentrée à l'ombre de la Coupe du monde ce week-end. Les clubs vont devoir livrer la première bataille du championnat privés de leurs internationaux. Un contingent de plus en plus nombreux et de toutes nationalités tant la richesse financière du rugby français les attire comme des mouches.

Comme tous les quatre ans et peut-être plus que jamais, le Top 14 fait une rentrée à l'ombre de la Coupe du monde ce week-end. Les clubs vont devoir livrer la première bataille du championnat privés de leurs internationaux. Un contingent de plus en plus nombreux et de toutes nationalités tant la richesse financière du rugby français les attire comme des mouches. Vous prendrez bien une Coupe avec votre Brennus ? A peine trois mois après le dix-huitième sacre du Stade Toulousain, le Top 14 reprend ses droits ce week-end. Une reprise forcément à part pour la compétition de clubs la plus huppée de la planète rugby placée en concurrence frontale avec la Coupe du monde, VIIe du nom, qui va tenir en haleine tous les passionnés d'ovalie pendant près de deux mois. Et pour certains prétendants au Bouclier, la période des vaches maigres, liées à l'absence des internationaux durant toute la durée de ce Mondial, durera jusqu'à 11 matches sur les 26 que compte de la saison régulière (voir : Lettre aux absents), le temps du Mondial qui s'achèvera le 23 octobre et de la récupération de joueurs revenus le corps fourbu et le mental épuisé. Dans un Top 14, qui la saison passée plus que jamais a prouvé qu'il se jouait sur le fil du rasoir, autant de doublons peuvent faire la différence entre qualification directe pour les demi-finales, pour les barrages et pour la prochaine Coupe d'Europe,... ou la relégation. Les grands clubs sont théoriquement ceux qui auront le plus à perdre. Le plus handicapé pourrait être Clermont qui entamera la saison sans 14 de ses joueurs partis en Nouvelle-Zélande. Biarritz, le Racing-Métro 92, Montpellier, Toulon, Perpignan ne seront pas épargnés. Le Stade Toulousain, abonné aux demi-finales depuis 18 ans, que son emblématique manager, Guy Novès, malgré un budget en hausse de 12 % - 33,1 millions d'euros contre 29,5 la saison dernière - et un recrutement plus "bling bling" qu'à l'accoutumée, imagine potentiellement rejeté au-delà d'un Top 6 (voir : Novès : "Si on n'est pas européen..."), ne le sera pas moins. Inflation sur les budgets Mais parce que le rugby a une nature et un ballon rétifs à la science exacte, le champion de France bénéficiera d'une grâce inattendue. Le sélectionneur français Marc Lièvremont, pour une fois, n'a pas décapité ses lignes arrières et a laissé à sa disposition Yannick Jauzion, Clément Poitrenaud et autre Florian Fritz. Toulouse aura donc aussi l'avantage de pouvoir compter sur son emblématique manager, qui a refusé une paralysante nomination à la tête de l'équipe de France après le Mondial. Toulon, l'ambitieux revanchard d'une dernière saison ratée (8e) malgré des flots d'euros, devra en revanche revoir en profondeur sa structure car son directeur sportif, Philippe Saint-André, est, lui, partant pour Marcoussis. Perpignan (9e) est un autre club qui doit valider sa réorganisation avec le départ pour la sélection italienne de Jacques Brunel, le technicien moustachu et ombrageux du titre de 2009. L'Aviron Bayonnais, déçu et perturbé par des querelles de palais la saison dernière, achevée pourtant aux portes de l'Europe (7e), a compensé par un recrutement à quatre étoiles (Rokocoko, Phillips, Lauaki et Heymans). Au coeur de cette nouvelle course à l'armement, qu'illustre l'inflation des budgets (+ 14 % en moyenne, seul le CA Brive ayant revu son budget à la baisse), d'autres se sont contentés de retoucher leur effectif. On pense à Montpellier, finaliste surprise l'an dernier grâce à l'enthousiasme de sa jeunesse, qui a souhaité miser sur l'expérience des Martin, Privat et autre Audrin. François Trinh-Duc, comme Fulgence Ouedraogo sont restés et c'est déjà un gage pour la saison à venir. A son armada d'internationaux, qui semblait devoir le conduire en finale l'an dernier, le Racing, tombé aux portes du Stade de France, n'a principalement ajouté que Fabrice Estebanez, l'ex-âme des lignes arrières de Brive, en passe de s'installer en équipe de France. Sans oublier les chantres de la stabilité à Castres qui, privé de seulement quatre internationaux, affiche une belle cote chez de nombreux observateurs. Autre paradoxe du rugby, certains "petits" seront eux aussi touchés par les absences des internationaux. Bègles-Bordeaux, dont l'objectif est de faire mentir la statistique qui veut que depuis cinq ans le vainqueur de la finale d'accession de Pro 2 soit relégué la saison suivante, devra lancer sa chasse des points de survie sans six internationaux. Il s'agit, certes, de deux Tongiens, deux Samoans, d'un Roumain et d'un Argentin, tous de second rang, mais le handicap sera important pour le plus petit budget du Top 14 (8,7 millions d'euros) et un effectif sans expérience du plus haut niveau. Pour retrouver la splendeur passée de ses deux titres de 1969 et 1991, le club comptera sur une star, Bruce Reihana, ancien arrière des All Blacks, buteur d'élite -plus de 1 000 points en 9 saisons avec Northmpton- et grand relanceur, si ses jambes de 35 ans le lui permettent encore. L'autre promu, Lyon aura moins de problèmes de budget avec une enveloppe de 14,8 millions d'euros venus de sponsors attirés par la renaissance d'un club historique - deux Brennus en 1932 et 1933 - dans la "Capitale des Gaules". Un nouvel ovni en finale ? Le LOU, qui n'a plus d'universitaire que le U de son sigle, a lui aussi fêté son retour dans l'élite avec le titre de Pro D2 à la clef, en s'offrant une star, Ricky Januarie, demi de mêlée des Springboks champions du monde en 2007, au milieu d'un recrutement a priori plus sécuritaire, construit autour de quelques baroudeurs du Top 14 (Leguizamon, Bonrepaux, Arnaud Marchois,...). De quoi rivaliser sans doute avec Brive (12e), Agen (10e) et le Stade Français (11e), qui ont souffert à la fin de la saison dernière et pourraient souffrir encore cette saison. De là en revanche à rivaliser avec le premier groupe des candidats à l'Europe et au titre, il y a un pas qu'un championnat, réputé en temps normal à deux vitesses, ne permettra sans doute pas de franchir. A moins que cette "saison particulière", comme l'appelle pudiquement Novès, n'accouche bel et bien d'un nouvel ovni. La sensation Montpellier n'est finalement pas si loin...