Boonen ou l'échec tactique

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François QUIVORON , modifié à
Quatrième du Tour des Flandres dimanche dernier, Tom Boonen a empêché Fabian Cancellara de s'imposer mais il a surtout sabordé l'offensive de Sylvain Chavanel. Cette erreur stratégique pourrait avoir des conséquences au sein même de la Quick Step, puisque Patrick Lefévère a préféré privilégier son leader au détriment du coureur français, pourtant mieux placé.

Quatrième du Tour des Flandres dimanche dernier, Tom Boonen a empêché Fabian Cancellara de s'imposer mais il a surtout sabordé l'offensive de Sylvain Chavanel. Cette erreur stratégique pourrait avoir des conséquences au sein même de la Quick Step, puisque Patrick Lefévère a préféré privilégier son leader au détriment du coureur français, pourtant mieux placé. Son entêtement à vouloir absolument gagner a précipité sa chute. Et celle de ses équipiers avec lui. Quatrième du Tour des Flandres dimanche, Tom Boonen a raté son coup, d'abord en adoptant une tactique de course étonnante, puis en délaissant la carte Sylvain Chavanel, mieux placé que lui pour viser la victoire. Une attitude qui pose forcément questions. Pourquoi a-t-il relancé la course derrière Chavanel ? Pour écrémer le peloton des favoris et tester Fabian Cancellara, son principal rival. Mais son attaque dans le Leberg est sa plus grosse erreur stratégique de la course. Avec Chavanel aux avant-postes, la Quick Step était en position de force. Boonen avait donc tout le loisir d'attendre que les costauds lancent les grandes offensives. En choisissant de porter son attaque à ce moment de la course (trop tôt ?), le Belge s'est sabordé puisque Cancellara l'a contré, et il a servi de rampe de lancement au Suisse, qui a rapidement fondu sur Chavanel. Sans doute Boonen voulait-il éviter d'aborder le mur de Grammont en compagnie de Cancellara. Le coup de bambou reçu l'an dernier à cet endroit devait encore lui trotter dans la tête. Cette attaque traduit aussi l'état de nervosité dans lequel il se trouvait puisqu'elle n'avait pas été planifiée avec les directeurs sportifs. "Si nous n'avions pas fait cela, a tenté de justifier le manager de l'équipe belge Patrick Lefévère, Cancellara aurait profité du mur de Grammont, serait parti seul et aurait gagné." Pourquoi s'est-il focalisé sur Cancellara ? Parce qu'il ne voulait pas le voir gagner à nouveau à Meerbeke. Une grande partie de la stratégie de la Quick Step était orientée vers la neutralisation pure et simple du Suisse. "Ils ont d'abord couru pour gagner avec Boonen et ensuite pour me faire perdre, a regretté Cancellara dans les colonnes de L'Equipe. Sinon, ils auraient laissé Chavanel rouler avec moi et on aurait eu de bonnes chances d'aller jusqu'à Meerbeke. Mais Chavanel n'a pas eu le droit de me relayer parce que Boonen était derrière. C'est une attitude un peu facile. Pour finir, il se fait battre par Nuyens, un suiveur qu'on n'a jamais vu devant de la journée." L'échec est donc total. Dans le final, Chavanel s'est retourné à plusieurs reprises pour voir où se situait Boonen, trop loin pour revenir, ce qui a largement perturbé son approche du sprint. Avait-il trop de pression sur les épaules ? Oui, c'est indéniable. Toute la Belgique l'attendait sur le Tour des Flandres et espérait le voir prendre le dessus sur Cancellara, un an après la démonstration du coureur de la Leopard-Trek. Sa victoire sur Gand-Wevelgem une semaine auparavant avait requinqué une confiance défaillante ces dernières semaines et avait aussi apporté une première réponse au succès déconcertant du Suisse sur le GP E3. Un leurre sans doute puisque Boonen, pas forcément en grande forme, n'a pas eu la lucidité nécessaire durant la course pour adopter la meilleure tactique. A trop vouloir bien faire devant les nombreux supporters amassés au bord de la route, le Belge en a oublié la course d'équipe. Au grand dam de Chavanel, déjà sacrifié par Stijn Devolder en 2009. La Quick Step croyait-elle vraiment en Chavanel ? Non, parce que le Français avait un rôle clairement défini: ouvrir la route pour son leader. Son intelligence de course et les jambes qu'il avait dimanche dernier auraient dû inciter les managers de la Quick Step à changer de fusil d'épaule et à jouer la carte Chavanel à fond. L'attaque de Boonen confirme bien le rôle secondaire de l'ancien coureur de la Cofidis. "Je vais attendre de voir les images pour me faire mon opinion", a déclaré avec prudence Sylvain Chavanel, à qui des journalistes flamands ont reproché d'avoir relayé Cancellara à trois kilomètres de l'arrivée. Le Français a haussé les épaules et préféré s'attarder sur le sprint. "Cancellara a lancé le sprint de très loin. Nuyens a bien réagi et a pris la tête mais a décliné à 50 mètres de la ligne et si Cancellara ne s'était pas rabattu sur moi et ne m'avait pas tassé contre la barrière, je pense que j'aurais pu gagner", a poursuivi le Français. Des regrets, beaucoup de regrets. Quelles seront les conséquences pour la suite des classiques ? On peut s'attendre à une redistribution des cartes. D'abord parce que Cancellara n'a pas gagné le Ronde, ce qui lui enlève un peu de l'immense pancarte collée à son dossard. Le Suisse a d'ailleurs prévenu le peloton: "Dans Paris-Roubaix, on agira autrement, on laissera faire les autres. Les Quick Step. Les BMC. Ce sera à eux d'assumer la course. Moi, je prendrai les choses comme elles viendront." Boonen, lui, mise déjà gros dimanche prochain et espère sauver son printemps avec une quatrième victoire sur le vélodrome de Roubaix.