A la Toulousaine, ou pas ?

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SYLVAIN LABBE , modifié à
Boudés en novembre dernier, les trois-quarts toulousains sont à sept mois de la Coupe du monde de retour en grâce chez les Bleus en ce début de Tournoi. Mais si le jeu de mouvement des Champions d'Europe reste une source d'inspiration évidente pour le XV de France, Marc Lièvremont rechigne à transposer la méthode Novès et les hommes, qui l'incarnent, à l'échelon international.

Boudés en novembre dernier, les trois-quarts toulousains sont à sept mois de la Coupe du monde de retour en grâce chez les Bleus en ce début de Tournoi. Mais si le jeu de mouvement des Champions d'Europe reste une source d'inspiration évidente pour le XV de France, Marc Lièvremont rechigne à transposer la méthode Novès et les hommes, qui l'incarnent, à l'échelon international. Qu'elle semble loin aujourd'hui l'époque où Bernard Laporte sélectionnait comme un seul homme, ou presque, la quasi-totalité de la ligne de trois-quarts du Stade Toulousain. Le prédécesseur de Marc Lièvremont à la tête de l'équipe de France n'hésitait pas ainsi à aligner de manière régulière quatre à cinq protégés de Guy Novès pour composer sa ligne d'arrières, la charnière Elissalde-Michalak en tête. Les Clerc, Jauzion, Poitrenaud et autre Heymans avaient alors clairement la cote en bleu. Une tendance tombée en désuétude sous l'ère Lièvremont, qui depuis sa nomination à la tête des Bleus, sans ignorer l'évident vivier de talents du club de la Ville Rose, n'a pas hésité à s'en détourner et à ouvrir la sélection à des clubs moins huppés du championnat de France pour procéder à sa large revue d'effectifs sur le chemin de la Coupe du monde. Comme un symbole, la paire de demis tricolore, composée du Clermontois Parra et du Montpelliérain Trinh-Duc. A l'automne dernier, les non sélections de Clerc et de Poitrenaud, autant que l'utilisation parcimonieuse de Médard, tous sacrés Champions d'Europe quelques mois plus tôt, avaient interpellé. Le statut retrouvé de plus gros fournisseur du XV de France à l'aube de ce Tournoi avec sept Toulousains appelés semblait remettre le rouge et noir à l'honneur. Jauzion: "Ça vexe peut-être plus Guy Novès..." Pourtant, face à l'Ecosse, Marc Lièvremont n'a pas hésité à destituer la statue du commandeur Jauzion pour composer une paire de centres Mermoz-Rougerie et ne conserver que le seul Médard, justifiant alors cette nouvelle coupe sombre dans les rangs stadistes en ces termes: "Il est hors de question de faire un copier-coller du jeu toulousain et je ne suis pas sûr qu'au niveau international, ce serait un gage de réussite." On entend d'ici les voix scandalisées du Capitole s'élever contre cette antienne, qui fait si peu de cas du palmarès toulousain et de la valeur unanimement reconnue du jeu de l'équipe de Guy Novès. Autrefois sésame infaillible chez les Bleus, le maillot toulousain n'offre plus aucune garantie, comme en témoigne aujourd'hui le plus emblématique d'entre eux. Un Jauzion qui, plus sage que jamais, accepte la loi du genre, malgré tout persuadé que Toulouse reste plus que jamais la meilleure scène pour se mettre en valeur aux yeux du sélectionneur: "A Toulouse, on a la chance de pouvoir postuler assez fréquemment dans les phases finales et de pouvoir jouer des matches de haut niveau, ça permet de rester exposés..." Exposés, mais sans garanties... "Ça vexe peut-être plus Guy Novès, lâche encore Jauzion, remplaçant dimanche à Dublin. Ce qui est intéressant, c'est qu'on prenne du plaisir en club et qu'on y gagne nos matches. Sur l'ensemble des saisons, ça nous a quand même pas mal réussi parce qu'on présente un bon palmarès. C'est sûr que si on devait affronter une équipe nationale, on aurait peut-être du mal, mais je pense que beaucoup d'équipes en France seraient dans ce cas. Il est sûr que les exigences du plus haut niveau sont supérieures à celles qu'on peut avoir en club, c'est certain." Pour Clément Poitrenaud, "ne pas faire un copier-coller du Stade Toulousain en équipe de France, pour ce qui est des hommes, on peut très bien le comprendre. Notre première place en Top 14 et notre position européenne depuis quelques années maintenant ne donne pas le droit d'avoir que des Toulousains en équipe de France. Au contraire, il y a de très bons joueurs partout." Un idéal de jeu universel Mais si les hommes ne font pas tout, difficile en revanche, à l'heure où l'équipe de France se cherche une attaque digne de ce nom, d'occulter un jeu à la toulousaine, dont Emile Ntamack, l'entraîneur des trois-quarts tricolores, a été nourri tout au long de sa carrière, et qui reste la référence. "Je ne vais pas dire que le jeu de l'équipe de France, c'est un peu le jeu à la toulousaine mais... Il y a quand même des similitudes dans la volonté du staff de nous laisser prendre des initiatives, relève Poitrenaud, titulaire à l'arrière dimanche. Ça se ressemble. Sur l'animation du fond du terrain, on nous demande aussi d'être les détonateurs, de lancer les attaques, d'essayer de faire des différences. Mais aussi de l'alternance avec du jeu au pied. Car pas question de tomber dans la caricature: "En tout cas, il ne faudra pas compter sur moi pour relancer tous les ballons à la main dimanche. Je ferai comme j'essaie de le faire à Toulouse, de trier les ballons. Après, on se fond du mieux possible dans ce que nous demande les coaches. C'est nécessaire si on veut tous s'y retrouver, les avants et les trois-quarts, d'avoir le même référentiel." L'idéal de jeu toulousain a, qui pourra décemment le contester, quelque chose d'universel. Même si "ce n'est pas un gage de réussite...", note Poitrenaud, "moi, je signe pour que ça continue comme ça jusqu'à la fin de ma carrière avec Toulouse." Car si le Stade n'est pas, on l'aura compris, l'équipe de France, et inversement, on y cultive un véritable esprit de sélection.