Théories du complot : "Aller dans le détail et identifier les sources"

La théorie des rétroviseurs de la voiture des frère Kouachi a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux.
La théorie des rétroviseurs de la voiture des frère Kouachi a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux. © Spicee
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Après les attentats de janvier, les rumeurs investissaient le net. Sophie Mazet, auteur d’un manuel d’autodéfense intellectuelle, invitée d'Europe 1, explique la mécanique des théories du complot.
INTERVIEW

Il y a un an, des millions de Français défilaient en soutien aux victimes des attentats contre Charlie Hebdo. Au même moment, internet était envahi de rumeurs en tout genre, les fameuses "théories du complot". Comment les démonter ? Sophie Mazet, professeur d’anglais dans un lycée de Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis, auteur d’un Manuel d’autodéfense intellectuelle (Robert Laffont), explique leur mécanique et comment les contrer au micro de Wendy Bouchard, samedi sur Europe 1.

Les théories du complot fleurissent. Rumeurs et théories du complot ne sont pas apparues avec les attentats de janvier 2015. "J’ai découvert que les théories du complot existaient lorsque j’ai monté des ateliers pour exercer l’esprit critique de mes élèves, explique Sophie Mazet. Au détour d’un cours sur le multiculturalisme et l’universalisme, j’ai entendu ma première théorie du complot en direct. C’était un élève qui pensait que les juifs étaient au courant du 11 septembre 2011."

Depuis les attentats contre Charlie Hebdo, la professeur a vu fleurir des théories complotistes. "Il y avait la théorie des rétroviseurs de la voiture des frères Kouachi, qui n'auraient pas été de la même couleur. Ce qui signifie qu'il y aurait eu une mise en scène. J'ai aussi entendue celle de la pièce d'identité de l'un de frères Kouachi laissée tombée dans une voiture. C’était intéressant, car il y avait une autre histoire de pièce d’identité à propos du 11 septembre. C’était celle de l’un des terroristes qui aurait été retrouvée dans les décombres. En fait, c’était comme si la théorie évoquée lors du 11 septembre venait apporter la preuve de celle de la pièce d’identité des attentats de janvier."

Un manque de méthode. Pour Sophie Mazet, les théories du complot ne fleurissent pas à cause d'un manque d'esprit critique, mais par défaut de méthode. "Si l'on rejette absolument tout, ce n’est pas du tout une méthode, c’est une posture donc ça nous dispense de penser sur un quelconque problème. On sait de toute façon que l’on va rejeter n’importe quelle version d’un événement s’il s’agit de la version officielle."

Aller dans le détail. Une des théories souvent relayée en janvier affirmait que le policier tué devant le siège de Charlie Hebdo n'était pas mort, car il n'y avait pas d'effusion de sang. L'agence Spicee,  média d'information en ligne, qui a publié une série de documentaires visant à démonter les mécaniques des théories du complot, a expliqué le contraire en allant rencontrer un médecin. "Le médecin rapporte de façon scientifique qu'il est tout à fait possible qu'il n'y ait pas d'effusion de sang lorsque l'on est tué par balle. Il explique même que c'est souvent le cas. Je pense qu'il faut aller dans le détail et demandé aux spécialistes leurs avis. "

Ecouter et parler. Pour la professeur éviter de parler des théories du complot serait une erreur : "Je pense qu’il faut en parler surtout pour ne pas donner l’impression aux gens que leur parole est censurée. Cela renforcerait leurs croyances. Et il faut les écouter et ne pas être dans une posture de supériorité qui consisterait à dire vous avez tort, j’ai raison".

Chercher la source. Devant une théorie du complot, il faut également se poser la question des sources. Identifier d'où vient cette théorie. "Cette question des sources est centrale. On se rend compte que l'on a une perte de confiance dans les médias traditionnels et une confiance un peu trop grande dans tout ce que l'on peut trouver sur les réseaux sociaux du moment que ça se réclame anti-médias traditionnels."