Terrorisme : "Le soupçon et la preuve" doivent guider le placement en centre fermé, selon Moutouh

Hugues Moutouh.
Hugues Moutouh.
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A.D
Il a été conseiller au ministère de l'Intérieur pendant l'affaire Merah. Hugues Moutouh fait partie de ceux qui souhaitent des mesures beaucoup plus radicales pour lutter contre le terrorisme.

Deux fonctionnaires de police tués, un Euro de football qui se déroule sous haute tension face à la menace terroriste, doublé d'un conflit social qui met les forces de police à cran. Dans un contexte si difficile, Hugues Moutouh, avocat, ancien préfet et conseiller spécial de Claude Guéant alors ministre de l'Intérieur en 2012 pendant l'affaire Merah, a partagé sa volonté de vouloir considérablement renforcer la politique de sécurité, samedi dans l'émission C'est arrivé cette semaine.

"Toute personne est une cible". L'assassinat des policiers - à leur domicile - est doublement choquant, pour lui. Pour les faits eux-mêmes, mais aussi pour le mode opératoire, dans une sphère privée. Mais pour le spécialiste, "l'assassinat de ces deux policiers, cette tragédie, était attendu. Cela fait maintenant plusieurs mois que les services sont sur les dents et on sait très bien que les policiers représentent une cible toute désignée pour être abattus, enlevés, égorgés. Il y a un fort risque pour toutes les personnes qui représentent l'autorité." Pourtant, Larossi Abballa, l'assassin du couple qui a été lui-même tué par les forces de l'ordre a laissé une liste de personnes à abattre. Au delà des personnes représentant l'autorité figurent des journalistes ou des rappeurs. "Toute personne est une cible aujourd'hui. Il faut prendre des mesures complémentaires. Changer la politique de sécurité ? En tout cas, il faut la renforcer considérablement."

"Rétention administrative". "La plupart de ceux qui passent à l'acte ont été identifiées", poursuit Hugues Moutouh, qui souligne la compétence des services français dans la détection des personnes à risque. La faille vient donc du "suivi dans un cadre d'Etat de droit, de démocratie. Il faut aller un peu plus loin et donner aux services judiciaires, de police et de renseignement davantage de possibilités d'appréhender, interpeller, neutraliser ces individus dangereux". S'il ne se considère pas comme un jusqu'au-boutiste de la rétention administrative pour les djihadistes ou apprentis, il souhaite néanmoins dire la "vérité : on ne peut pas dire aux Français que la rétention administrative est inconstitutionnelle. C'est faux." Il faut en revanche, selon lui, se demander si elle est "opportune".

"Placés en centres fermés". Où placer le curseur, alors ? Sur qui exercer cette rétention administrative ? "En France, tous les ans, on a à peu près 70.000 personnes qui sont appréhendées et placées dans des centres fermés. Cela s'appelle l’hospitalisation sans consentement dans un régime constitutionnel établi. Et nous ne pourrions pas le faire pour quelques centaines voire quelques milliers d'individus qui présentent des risques pour eux-mêmes comme pour leur entourage ? Balivernes !", s'emporte Hugues Moutouh. Alors qui viser ? Les fichés S ? "Le fichier S n'est pas une surveillance permanente, c'est une sorte d'alerte qui permet de contrôler lors d'éventuelles sorties de frontières. C'est la même chose pour le placement en résidence surveillée, cela ne suffit pas. Il suffit d'utiliser les centres de déradicalisation et d'en faire des centres fermés."

"Soupçon". Pour lui, "la preuve mais aussi le soupçon" doivent guider les placements dans ces centres en fonction de la "dangerosité" des individus. "La preuve judiciaire arrive trop tard. Il faut que les décisions administratives soient prises sur la base de renseignement fiables. Il faut donner aux services de renseignement la possibilité de neutraliser cette personne, de la placer sous surveillance permanente et de lui apporter des soins. On ne va pas dire que ce sont des personnes malades, mais ils connaissent des déséquilibres personnels. On ne suit pas un policier et sa compagne pendant des semaines pour aller les égorger quand on est sain d'esprit.