Sept heures de travail non rémunérées : pas la position officielle du gouvernement «à ce stade»
Le gouvernement se déchirerait-il sur la question des heures de travail non rémunérées ? C'est ce que semble reconnaître la porte-parole du gouvernement Sophie Primas, qui a rappelé ce mercredi 22 janvier que cette position "n'était pas celle officielle du gouvernement", qui continue d'explorer les pistes.
La piste de sept heures de travail supplémentaires par an non rémunérées pour financer la protection sociale, avancée par la ministre des Solidarités Catherine Vautrin, "n'est pas à ce stade la position officielle du gouvernement", a déclaré mercredi la porte-parole Sophie Primas.
"C'est le Premier ministre et le Parlement qui trancheront"
Elle s'en est remise aux "discussions parlementaires" en cours sur les budgets pour 2025. De la même manière, l'idée de faire contribuer certains retraités, évoquée par la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, n'est "pas la position du gouvernement à ce stade", a expliqué Sophie Primas devant la presse après le Conseil des ministres.
Catherine Vautrin et Astrid Panosyan-Bouvet ont, chacune de leur côté, suscité une levée de boucliers dans les oppositions et jusque dans leur propre camp en lançant dans le débat public deux propositions destinées à améliorer le financement de la protection sociale et conjurer l'aggravation du déficit de la Sécurité sociale.
Sophie Primas a refusé de considérer ces galops d'essai comme l'expression d'une "cacophonie" au sein de l'équipe gouvernementale.
"Au mot cacophonie, je préfère polyphonie. Le gouvernement est constitué de personnes qui sont des personnes d'expérience. Chacun a donc en tête des solutions, des possibilités, des hypothèses. Et donc le Premier ministre s'appuie sur cette expérience, s'appuie sur les dispositions que les uns et les autres peuvent apporter. A la fin, c'est le Premier ministre et le Parlement qui trancheront", a dit la porte-parole du gouvernement.
Dans une interview au JDD, Catherine Vautrin a relancé dimanche une mesure, votée en novembre par le Sénat dans le PLFSS, pour faire travailler tous les actifs sans rémunération pendant sept heures de plus chaque année, pour financer le secteur de l'autonomie. Critiquée, la mesure avait été abandonnée par les députés et les sénateurs lors du passage du texte en commission mixte paritaire, avec l'aval du gouvernement Barnier.
Selon l'entourage de Catherine Vautrin, ce dispositif est susceptible d'abonder les caisses de 2,5 milliards en année pleine et deux milliards cette année en cas d'entrée en vigueur au 1er mars.
Dans une autre intervention sur TF1 lundi, la ministre Panosyan-Bouvet a suggéré de mettre à contribution certains retraités pour financer la Sécurité sociale. Cette contribution pourrait porter "sur les personnes retraitées qui peuvent se le permettre", a avancé la ministre, en précisant que "ça peut être 40%" des retraités "en fonction du niveau de pension".
Levée de boucliers contre l'idée d'une taxation de certains retraités
Autre sujet de discorde, la contribution de certains retraités : le Rassemblement national et La France insoumise ont tous deux fait part mercredi de leur franche opposition à la proposition de la ministre du Travail de mettre à contribution certains retraités pour financer la Sécurité sociale, une idée également critiquée par des soutiens du gouvernement.
"Taxer des retraités qui ont 2.000 euros de retraite" est "totalement scandaleux", a estimé le vice-président du RN Sébastien Chenu. "S'il y a ça dans le budget (...) je suis favorable à ce qu'on ne laisse pas passer", a-t-il prévenu sur TF1, en suggérant que ce serait un motif de censure du gouvernement.
Pour Sébastien Chenu, ce sujet est "en train de s'ériger en ligne rouge", considérant qu'une taxation serait équivalente à une "spoliation" du "fruit du travail" des retraités. La volonté de l'ex Premier ministre Michel Barnier de mettre en cause l'indexation générale des retraites sur l'inflation au 1er janvier avait été avancée par le RN pour justifier la censure qui a fait tomber le gouvernement.
Même position à l'autre bout de l'échiquier politique. "Je trouve ça scandaleux d'un point de vue démocratique", a réagi le coordinateur de LFI Manuel Bompard sur BFMTV. Si LFI est favorable à "une réforme fiscale pour que les hautes fortunes contribuent davantage", "essayer de faire croire que c'est une mesure de justice fiscale d'aller s'en prendre aux retraités qui gagnent 2.000 euros par mois, ça me paraît vraiment très malhonnête", a-t-il jugé.
Une proposition clivante au sein du gouvernement
Le chef des députés socialistes, Boris Vallaud, a ironisé de son côté sur un "concours Lépine" qui ne lui paraît "pas la meilleure façon de procéder" alors que les débats budgétaires reprennent au Parlement.
Le "principe de solidarité" suppose certes de tenir compte des "facultés contributives" de chacun, mais "ce qui m'ennuie un peu, c'est qu'il paraît plus aisé d'aller chercher" des contributions "chez les retraités que chez les très hauts patrimoines", a-t-il déploré devant l'Association des journalistes parlementaires (AJP).
La proposition d'Astrid Panosyan-Bouvet a suscité par ailleurs des réactions contrastées chez les soutiens du gouvernement.
Le vice-président d'Horizons Christian Estrosi l'a jugé "inadmissible" sur RTL. "Pour tous les retraités, c'est la même règle. Parce que si on commence à toucher à un niveau de retraite, la porte est ouverte et petit à petit on va en abuser et aller vers les pensionnés les plus faibles", a jugé le maire de Nice, ville prisée de nombreux retraités.
A l'inverse, la députée (MoDem) Perrine Goulet avait estimé mardi, lors d'un point presse à l'Assemblée nationale, "pas inopportun" de réfléchir à une participation des retraités à l'effort de financement des besoins du grand âge. "Il ne faut rien se fermer", et éviter que les efforts ne "reposent que sur les actifs", avait-elle souligné.
L'idée a également été défendue par le patron du Medef Patrick Martin. Selon lui "tout le monde doit participer à l'effort de guerre" pour réduire les déficits.