Robert Paturel, "porte-parole" contesté de la grogne policière

Retraité, Robert Paturel intervient sur des chaînes d'information en tant qu'ancien du Raid
Retraité, Robert Paturel intervient sur des chaînes d'information en tant qu'ancien du Raid © Capture d'écran BFM TV
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Margaux Lannuzel avec Salomé Legrand
Cet ancien du Raid affirme avoir été appelé par les policiers de la "base" pour les représenter. Il les conseille désormais pour créer une association, rivale des syndicats.

Après deux semaines de mobilisation et un "plan de sécurité publique" annoncé par Bernard Cazeneuve, la contestation policière semble s'être apaisée, ce week-end. Seule une poignée de manifestations ont été organisées, notamment à Marseille et à Toulouse.  Mais en coulisses, on continue de s'activer. Une partie des policiers de la "base", mobilisés sans leurs syndicats, envisage désormais de poursuivre le mouvement dans un nouveau cadre : celui d'une association. Une réunion à ce sujet doit avoir lieu, jeudi. Autour de la table : des policiers d’Île-de-France et de plusieurs autres régions, mais aussi l'avocat Laurent-Franck Liénard, spécialisé dans la défense des membres des forces de l'ordre, et Robert Paturel, ancien du Raid. Désigné "porte-parole" du mouvement, ce dernier affirme avoir pour seul but d'apporter son expertise aux policiers contestataires, auprès desquels il ne fait cependant pas l'unanimité.

"Ils se sont reconnus dans mon discours". A 64 ans, Robert Paturel semble avoir vécu plusieurs vies. Vingt ans de service au Raid, où il a été instructeur, puis négociateur. Mais aussi six titres de champion de France de boxe et plusieurs petits rôles au cinéma, dans "Les Brigades du Tigre", ou "la Môme". Retraité, il intervient sur plusieurs chaînes d'information lors d'opérations anti-terroristes, notamment sur BFM TV pendant le siège du domicile de Mohammed Merah, en 2012. Interrogé sur l'impressionnant nombre de balles tiré au cours de l'assaut, le retraité prend la défense des policiers, appelant à "se mettre à leur place". "On peut mettre dix fois plus de gardiens de la paix, si on leur lie les mains et qu'on les empêche de travailler, ça n'avancera pas", affirme-t-il encore sur LCI, après l'attaque de Magnanville. "C'est là que beaucoup de collègues m'ont repéré", affirme-t-il à Europe1.fr. "Ils se sont reconnus dans mon discours".

Lorsque le mouvement de grogne policière prend forme, le retraité touche-à-tout - il est également l'auteur de plusieurs livres - anime des formations de défense sur l'île de La Réunion. Pourquoi lui ? "On est venu me chercher", raconte-t-il. "J'ai été contacté par des policiers, qui me suivaient et m'ont demandé de les représenter. J'ai accepté à condition qu'il n'y ait pas de violence et qu'on ne fasse pas ça n'importe comment". Rentré en métropole, l'ancien négociateur rameute ses troupes sur son compte Facebook, "Bob Paturel". "Je ferais et dirais (sic) ce que vous me demandez", écrit-il.

"On veut maintenir la pression". Robert Paturel l'assure : si le mouvement n'a pas pris fin avec les annonces du ministre de l'Intérieur, jeudi, c'est uniquement à la demande de "la base". "Les fonds que propose Bernard Cazeneuve (une enveloppe de 250 millions d'euros pour les policiers, ndlr), ça représente une voiture par commissariat", explique-t-il. "Et après les élections présidentielles, on ne sait pas ce que deviendront les autres propositions : le mouvement est lancé, on veut maintenir la pression".

Entendu sur europe1 :
Les fonds que propose Bernard Cazeneuve, ça représente une voiture par commissariat

S'il souhaite personnellement rester "aux côtés" des syndicats, l'ex-champion de boxe entend la volonté des manifestants de s'en éloigner. "On pense créer une association loi 1901, qui poserait un cadre et dans laquelle tout le monde pourrait oeuvrer", détaille-t-il. Une structure ouverte aux non-policiers, et dont Robert Paturel jure qu'il ne sera pas président. "Ni moi, ni maître Liénard. On restera en marge du mouvement, dans un rôle de conseil."

Des prises de position polémiques. Du côté des gardiens de la paix, le "conseiller" ne fait pourtant pas l'unanimité. En cause : ses idées et récentes prises de parole politiques, jugées proches de l'extrême droite. "N'attendez pas de griller dans une voiture ! L'Etat vous a dotés d'une arme, ce n'est pas pour faire joli", écrivait-il après l'attaque visant des policiers à Viry-Châtillon. "On a vu Daesh enfermer ses victimes dans des cages et les brûler vives, c'est ce qui vient de se passer à la Grande Borne", peut-on lire dans le même édito publié par le quotidien "national catholique" Présent.

De quoi rebuter une partie des sympathisants du mouvement, déjà taxé de liens avec le Front national par Jean-Christophe Cambadélis. "Pour moi, cet homme ne me représente pas", nous indique une policière contestataire de l'Essonne. "Je craignais la récupération politique, et bien on y glisse", poursuit-elle. "C'est dommage, car d'un mouvement spontané et simple, on va arriver à ce que les policiers soient de nouveau montrés du doigt par une partie modérée de la population." Une autre fonctionnaire déplore, elle, que le porte-parolat soit confié à un retraité, moins au fait de la réalité du terrain. Côté syndicats, le "conseiller" ne convainc pas davantage : "Franchement, il y a du souci à se faire. Si la parole de la profession doit passer par ce type d'individu, c'est tout le fonctionnement syndical qui est en cause", s'émeut un responsable interrogé par l'Obs.

Un "simple technicien" ? Le principal intéressé balaye les critiques, affirmant n'avoir "rien à gagner" en s'engageant aux côtés des policiers. "Je ne suis pas sujet à la même pression qu'un gardien de la paix en service, je peux parler plus librement, c'est en ça que je peux être utile", estime-t-il. Sur sa page Facebook, il a publié plusieurs longs posts de réponse aux "jeunes policiers" qui ne le "connaissent pas".

"Il faut voir Robert Paturel comme un technicien, pas un porte-parole", tempère Guillaume, l'un des leaders de la mobilisation asyndiquée à Paris, interrogé par Europe1.fr. "Il a été formateur, négociateur, il a un recul que nous n'avons pas et peut nous aider." Affirmant avoir sondé une "une grosse partie de la base" avant d'inviter l'ancien boxeur à la table des discussions, le policier poursuit : "Il ne vient pas en tant que personne, mais comme professionnel. Et quand bien même, il n'est encarté nulle part."