Radicalisation : le monde de la psychiatrie veut le retrait d'un décret contesté

Les associations de psychiatres dénoncent un "amalgame indigne entre le champ sanitaire et celui de prévention de la radicalisation".
Les associations de psychiatres dénoncent un "amalgame indigne entre le champ sanitaire et celui de prévention de la radicalisation". © © JEFF PACHOUD / AFP
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avec AFP
Lundi vingt-trois associations de psychiatres et de patients ont demandé l'abrogation d'un récent décret qui lie psychiatrie et "radicalisation terroriste", en dénonçant une "dérive sécuritaire". 

Vingt-trois associations de psychiatres et de patients ont demandé lundi l'abrogation d'un récent décret qui lie psychiatrie et "radicalisation terroriste", en dénonçant une "dérive sécuritaire". La parution de ce décret "constitue une étape supplémentaire inacceptable et scandaleuse au fichage des personnes les plus vulnérables touchées par la maladie mentale dans notre pays", se sont-elles insurgées dans un communiqué commun. Elles ont dénoncé un "amalgame indigne entre le champ sanitaire et celui de prévention de la radicalisation".

Parmi les signataires figurent le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), l'Union syndicale de la psychiatrie (USP), l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) ou encore la Fédération nationale des associations d'usagers en psychiatrie (FNAPSY).

Le décret prévoit de croiser deux fichiers de données à caractère personnel

Paru le 7 mai au Journal officiel, ce décret autorise le croisement de deux fichiers de données à caractère personnel (identité, date de naissance, etc...), avec comme objectif "la prévention de la radicalisation". Le premier, nommé Hopsyweb, concerne les personnes subissant des "soins psychiatriques sans consentement". Le second est le Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).

En vertu de ce décret, les préfets pourront être prévenus lorsqu'une personne fichée pour "radicalisation terroriste" est hospitalisée sans consentement pour des raisons psychiatriques. Dans un avis publié en même temps que le décret, la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) a estimé que la mise en relation des deux fichiers ne pouvait être "envisagée qu'avec une vigilance particulière". Le décret du 7 mai complète un premier texte publié le 23 mai 2018, qui autorisait le traitement et la consultation par les autorités des données de Hopsyweb.

Plusieurs recours contre ce premier décret

Ce premier décret avait déjà été dénoncé par des psychiatres et les patients. Il fait l'objet de plusieurs recours devant le Conseil d'Etat, déposés par le Conseil national de l'Ordre des médecins et des syndicats ou associations de psychiatres. Vendredi, le Conseil de l'Ordre a annoncé qu'il envisageait d'attaquer également le deuxième décret et qu'il prendrait une décision le 17 mai. Le lien entre santé mentale, radicalisation voire attentats est une question polémique.

En août 2017, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Gérard Collomb, avait dit vouloir mobiliser les hôpitaux psychiatriques et les psychiatres "pour identifier les profils qui peuvent passer à l'acte". Nombre de psychiatres s'étaient élevés contre ces propos.