Radars automatiques : la justice ouvre une enquête pour "favoritisme"

© DOMINIQUE FAGET/AFP
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L'association Anticor a porté plainte contre les sociétés Atos et Morpho, une filiale du groupe Safran.

Le parquet national financier a ouvert une enquête sur les conditions d'attribution de plusieurs marchés publics concernant le parc des radars automatiques. L'enquête ouverte le 29 mars vise des faits de "favoritisme et prise illégale d'intérêts" et confiée aux policiers de l'Office central de lutte contre la corruption, a précisé une source judiciaire à l'AFP, confirmant une information de Mediapart.

L'association anticorruption Anticor avait déposé plainte en novembre, soupçonnant la société Atos, spécialisée dans les services numériques, et Morpho (ex-Sagem), l'une des filiales du groupe Safran, d'avoir été favorisées au détriment d'éventuelles firmes concurrentes. La société Atos "a été bénéficiaire de quatre marchés publics faramineux", contractés entre 2003 et 2011 avec l'Etat et "a été choisie en dehors du respect des règles du code des marchés publics", estime l'association dans sa plainte.

Deux anciens ministres concernés. L'actuel PDG d'Atos, Thierry Breton, a été ministre de l'Economie de 2005 à 2007 et le directeur général adjoint de la société, Gilles Grapinet, directeur de cabinet de Thierry Breton à Bercy. Francis Mer, ministre des Finances de 2002 à 2004, est devenu PDG du groupe Safran en 2007. Ils "ont occupé des fonctions ministérielles ayant pu influer sur la signature des contrats", d'après Anticor.

"Ces contrats portent sur un montant cumulé de plus d'un milliard d'euros", a chiffré le président d'Anticor, Jean-Christophe Picard, sollicité par l'AFP. "C'est un dossier exemplaire sur l'ambiguïté qui règne entre secteur public et privé", a estimé de son côté Me Jérôme Karsenti, l'avocat de l'association. "L'Etat a délégué ses missions les plus régaliennes à des entreprises privées et payé beaucoup plus cher que s'il avait assuré lui-même ces prestations", a-t-il ajouté.

"Régularité parfaite". Anticor fonde sa plainte sur un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) de mars 2014, qui relève que "les délais étaient intenables" pour permettre une réelle mise en concurrence et qu'Atos avait participé aux réunions de préparation concernant un des marchés.

"Jamais le nom de Thierry Breton ni celui de Francis Mer n'apparaissent dans le rapport de l'IGA", a réagi Olivier Baratelli, avocat d'Atos. "Il y a eu de 2003 à 2015 à cinq ou six reprises des contrôles de la Cour des comptes et d'autres organismes d'Etat qui ont tous conclu à la régularité parfaite" des marchés, a-t-il ajouté, relevant que leur attribution relevait du ministère de l'Intérieur et non pas de Bercy.