Proposition de loi : la fessée, "ce n'est pas de la maltraitance, mais c'est le terreau de la maltraitance", selon Maud Petit

Maud Petit
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Romain David
Pour la députée Maud Petit, qui porte la proposition de loi sur "l'interdiction des violences éducatives ordinaires", la fessée ouvre la voie à d’autres formes de violences.

La fessée bientôt interdite en France ? C'est l'un des objectifs de la proposition de loi sur "l’interdiction des violences éducatives ordinaires", soutenue par la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa et portée par la députée MoDem Maud Petit. "C'est très réducteur, trop réducteur" de ramener cette proposition de loi à l'interdiction de la fessée, a défendu l'élu au micro de Matthieu Belliard sur Europe 1. "La proposition de loi concerne aussi les violences psychologiques, verbales et les humiliations faites aux enfants", tient-elle à préciser. Pour autant, c'est bien sur la question de l'interdiction de la fessée que se concentrent les débats depuis que ce texte a été dévoilé, et d'autant plus qu'il ne prévoit aucune sanction. De quoi s'interroger sur le but poursuivi…

Éduquer sans violence. "Ce n'est pas un défaut. Les Français n'ont pas envie qu'on les sanctionne", défend la députée du Val-de-Marne. "Il s'agit simplement d'indiquer au parent que pour élever, éduquer son enfant, on peut le faire sans violence", fait-elle valoir. "Bien avant cette proposition de loi, il existe de toute façon des sanctions dans le Code pénal concernant les maltraitances sur les enfants", rappelle Maud Petit. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, rappelle également sur Europe 1 que "le magistrat peut utiliser les dispositions actuelles du droit pénal". "La justice ne va pas se retrouver dépourvue lorsque le droit de correction aura été aboli", insiste-t-il.

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L'ancien garde des Sceaux de Jacques Chirac soutien l'interdiction portée par Maud Petit. Il a d'ailleurs lui-même présenté mardi au gouvernement, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant, 26 recommandations sur les droits des plus petits, parmi lesquelles figure précisément la volonté d'inscrire dans la législation une interdiction des châtiments corporels. "Toutes les études aujourd'hui montrent que les châtiments corporels, aussi légers soient-ils, marquent les enfants", plaide-t-il. "Ce que nous avons essayé de faire dans ce rapport, c'est de tenir compte de tous les acquis les plus récents des recherches, et ils montrent bien que les enfants peuvent en conserver des traumatismes."

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Les châtiments corporels, aussi légers soient-ils, marquent les enfants

Prévenir les dérives. Pour Maud Petit, si une fessée donnée de manière ponctuelle ne peut être considérée comme un acte de maltraitance en soi, elle peut toutefois ouvrir la voie à des pratiques éducatives qui intègrent le plein exercice de la violence. Une dérive contre laquelle le gouvernement doit agir, estime la députée. D'où la raison du texte qu'elle souhaite voir intégrer comme une forme d'avertissement sous la législation déjà en vigueur, en l'occurrence l'article 371-1 du Code civil sur l'autorité parentale. "[Une fessée] n'est pas de la maltraitance, mais c'est le terreau de la maltraitance. À partir du moment où l'enfant fait une bêtise, on va lui donner une petite frappe. Et puis, quand l'enfant va recommencer, parce que les enfants souvent recommencent, que va-t-on faire ? Frapper plus fort ? Jusqu'à donner le coup de poing, jusqu'à arriver à de la maltraitance ?", interroge-t-elle.

"Aujourd'hui, il est bien acté que l'on ne frappe pas une femme. […] Il est acté que l'on ne frappe pas un adulte, on ne frappe pas une personne âgée, on ne frappe pas un prisonnier, on ne frappe pas un animal, c'est considéré comme de la cruauté. Pourquoi est-ce qu'un enfant, sous couvert du droit de correction, d'éducation, pourrait être frappé ? Non !", poursuit Maud Petit. "Un enfant a les mêmes droits qu'un adulte. Le droit ne doit pas s'arrêter à la porte de la maison, le droit ne doit pas s'arrêter à la porte de la chambre d'un enfant", conclut-elle.

Le projet de loi sur "l’interdiction des violences éducatives ordinaires" sera présenté mercredi en Commission des lois à l'Assemblée nationale, avant d'être débattu dans l'hémicycle à partir du 29 novembre.