Pourquoi les fermes doivent s'inspirer des modes de culture d'antan

© MOHAMED HWAITY / AFP
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Fanny Agostini
Dans "Rendez-vous à la ferme", Fanny Agostini évoque les mérites de la polyculture et l'importance, pour une ferme ou un pays, de l'autosuffisance. 

Par le passé, les fermes fonctionnaient en polyculture, plutôt, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, que de se consacrer à une production unique. Ce qui leur a longtemps permis de subvenir eux-mêmes à tous leurs besoins alimentaires. Une pratique décisive à l'échelle d'un pays, puisque la polyculture permet de réduire les importations et de se nourrir d'une production domestique. Depuis sa ferme pédagogique, Fanny Agostini explique l'importance de l'autosuffisance. 

Dans votre ferme, vous produisez une bonne partie de votre nourriture avec le jardin et les animaux... 

Ce que j’essaye de faire, c’est produire en circuit fermé, c’est-à-dire enrichir le potager avec le compost ou la matière organique récupérée grâce à mes propres animaux. En faisant cela, je calque le modèle des fermes d’antan, qui fonctionnaient avec du bon sens, en polyculture-élevage : chacun avait un peu de tout, quelques chèvres, une ou deux vaches, un cochon, des poules, des champs pour être en autonomie niveau fourrage et un grand jardin pour les légumes. Je veux dire par là que rien ne venait de très loin, l’importation était même une notion abstraite. Produire sa propre nourriture, c’était la base !

Au cours de l’histoire, il y a d’ailleurs des exemples qui montrent qu’un pays qui ne produit plus sa nourriture encours de graves dangers…

Oui, le Liban par exemple. Auparavant, c’était un grand pays paysan.  Mais en 1860, sous Napoléon III, les Libanais ont été encouragés à abandonner leur production de nourriture au profit de la plantation massive de mûriers. Mûriers sur lesquels vivent les vers qui produisent de la soie. Du coup, les filatures à soie se sont multipliées à tel point qu’en quelques années le commerce du textile représentait la moitié du PIB du Liban.

Le pays s’est donc enrichi. Mais le revers de la médaille, c’est que pour s’alimenter, la population a été obligée d’importer les denrées de base, comme le blé ou les pois chiche, qu’elle produisait elle-même par le passé.

Cette monoculture de mûriers leur a été fatale. Après trois années de sécheresse, doublé d’une invasion de sauterelles, les plantations de mûriers ont été ravagées. Les familles ont vécu un désastre alimentaire, puisqu’elles étaient incapables de produire quoique ce soit. La population a alors connu la famine et un exode massif. Voilà pourquoi 15 millions de Libanais vivent à l’étranger et seulement 5 millions au Liban.

Un exemple qui illustre les dramatiques conséquences qui peuvent survenir lorsque l’on brade la sécurité alimentaire d’un pays, et qu’il se retrouve contraint d’importer sa nourriture de l’étranger. Cela montre à quel point il est crucial de considérer nos paysans et d’encourager la production locale et la diversité des cultures.