PORTRAITS - À Mourenx, des "gilets jaunes" et des habitants "solidaires"

Noël, Maryline, Corentin, Alexia et Cécilia ont accepté de nous raconter des morceaux de leur quotidien à Mourenx, jeudi.
Noël, Maryline, Corentin, Alexia et Cécilia ont accepté de nous raconter des morceaux de leur quotidien à Mourenx, jeudi. © Europe 1
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Europe 1 a passé la journée dans les rues de cette ville de 6.500 habitants, où les "gilets jaunes" ornent les voitures, les balcons et les fenêtres. 

A Mourenx, près de deux semaines après le début du mouvement des "gilets jaunes", pas de blocages sur les routes. Mais ce signe de ralliement : sous le pare-brise de leur voiture, beaucoup d'automobilistes ont glissé ledit gilet, visible de loin. Europe 1 a passé la journée dans cette commune de 6.500 habitants, entre Pau et Orthez, dans les Pyrénées-Atlantiques. L'occasion d'échanger avec des habitants mobilisés ou solidaires, qui voient dans ce mouvement l'occasion de parler de leur quotidien. Retrouvez quatre de leurs portraits. 

>>> Europe 1 en direct de Mourenx : suivez la matinale spéciale avec Nikos Aliagas vendredi 

Noël, "amoureux" de son quartier d'adoption

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Lorsqu'on le voit s'affairer dans son dépôt de pain, difficile d'imaginer que Noël a 70 ans. Après avoir exercé plusieurs métiers, il a ouvert ce commerce au mois de juin dernier. "C'était fermé, j'ai du tout reprendre à zéro", explique-t-il tout sourire, réchauffé dans une grosse doudoune bleue. Le retraité ne se plaint jamais et nous raconte comment il est tombé "amoureux" de son "petit village" dans la ville. Le "petit village", c'est une placette de l'est Mourenx, entourée de barres d'immeubles. C'est là que la ville nouvelle s'est développée dans les années 1960, "quand on a trouvé du pétrole". Plus de 3.000 logements y ont été construits en quelques années, pour loger les travailleurs nécessaires à l'exploitation du gisement. 

"Aujourd'hui, la population de la ville nouvelle vieillit", raconte Noël. Et ces habitants font la queue au dépôt de pain, dont la sonnerie signifiant qu'un client vient d'entrer retentit toutes les deux minutes. Avec 800 euros de retraite, la pension de réversion de sa femme décédée comprise, le néo-commerçant voit dans cette nouvelle activité une manière de compléter ses revenus, mais pas seulement. "C'est aussi important que ces commerces ne meurent pas, ni la solidarité qui va avec. Le bar-tabac d'à côté a fermé. Mais avec un peu de chance, lui aussi rouvrira bientôt." 

Maryline, le cœur entre Mourenx et l'Australie

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Dans le centre-ville, Maryline aussi a le sourire, mais le cœur gros. Sortie de son agence immobilière, elle ne porte pas son gilet jaune mais le remettra "bientôt". A Mourenx, la quinquagénaire s'occupe de sa maman, 88 ans, handicapée depuis une opération de la colonne vertébrale. "Comment on fait, aujourd'hui, pour payer une dame de compagnie avec 750 euros par mois ?", interroge-t-elle, le ton militant. "Si on n'était pas là avec ma sœur, ce serait très compliqué. Et ça l'est pour beaucoup de personnes âgées." 

Dans la région, Maryline a aussi son fils, jeune actif, diplômé d'un bac +5. "Un premier salaire à 1.700 euros, c'est peu. Et une fois enlevé le loyer, le prêt pour la bagnole et les charges, il ne reste pas grand chose..." Alors, la mère de famille "comprend" la décision de son rejeton de rejoindre sa sœur, installée en Australie. "Ne pas pouvoir aider ses enfants quand ils sont dans le besoin, c'est une frustration terrible." Elle aussi a songé à quitter la ville, voire la France. Mais elle reste, pour sa maman. 

Corentin, vers Bordeaux plutôt que l'usine

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Peu bavard au téléphone, le plus jeune de nos Mourenxois nous a donné rendez-vous devant sa salle de sport, "No Limit". A 20 ans, le jeune homme a pour l'instant mis ses études entre parenthèses et travaille comme surveillant à la cité scolaire. L'année prochaine, il reprendra une licence à Bordeaux et quittera une partie de ses amis, employés dans les usines qui entourent la ville. "Je suis très attaché à Mourenx", confie le jeune homme, son sac en bandoulière autour du torse. "Mais c'est une petite cité, il n'y a pas grand chose à y faire".

Les études ou l'usine, même dilemme pour toute la jeunesse locale ? "Ce n'est pas aussi simple, mais pas loin", souffle-t-il. "Il y a de moins en moins d'habitants, les commerces ferment, les gens s'en vont, ça ne donne pas envie de rester". Mais Bordeaux, fait-il aussitôt remarquer, ça n'est pas le bout du monde : "je reste dans le Sud-Ouest. Je n'irai jamais très loin de Mourenx." 

Cécilia et Alexia, la colère en famille

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Sur le parking d'un supermarché de Mourenx, Cécilia et Alexia garent leur voiture, leurs gilets jaunes bien en évidence. Brunes et déterminées, elles terminent les phrases l'une de l'autre et racontent un mouvement qui leur permet d'exorciser une "colère". Pour la mère, elle concerne son allocation adulte handicapée, revue à la baisse depuis son installation dans la région. Pour la fille, tout juste 18 ans, l'allocation de rentrée, "plus versée depuis deux ans, sans aucune explication". 

"Avant avec 200 francs on remplissait un caddie, maintenant avec 50 euros on a deux bricoles au fond d'un chariot. On ne peut pas partir en vacances. C'est tout le système qui est à revoir", s'emporte la mère de famille. "On nous dit de changer de voiture pour passer à l'électrique, mais ça coûte trop cher." Alors, avec une autre des filles de Cécilia, les deux femmes ont passé leurs deux derniers samedis à manifester. Et y retourneront le week-end prochain.