Plan santé : les infirmières libérales (aussi) laissées de côté ?

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Romain David , modifié à
Invités de Wendy Bouchard sur Europe 1, Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, et André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie à la Pitié Salpêtrière à Paris, estiment que la plan santé d'Emmanuel Macron ne s'appuie pas assez sur les capacités des infirmières libérales.
LE TOUR DE LA QUESTION

Annoncé de longue date, le plan santé qu'Emmanuel Macron a dévoilé mardi  ne fait pas l'unanimité chez les professionnels de santé. Au micro de Mathieu Belliard sur Europe 1, Pierre-Michel Llorca, chef du service psychiatrie du CHU de Clermont-Ferrand, a déploré dans la foulée des annonces du chef de l'Etat le peu d'attention accordé à sa spécialité, réduite selon lui à "trois quarts de page" dans un dossier de 54 mesures. Mercredi matin, c'est une autre voix chagrine qui se fait entendre, cette fois au micro de Wendy Bouchard dans Le tour de la question : celles des infirmières libérales.

4.000 postes d'assistants médiaux. "J'ai écouté le discours d'Emmanuel Macron hier, et à aucun moment on n'a parlé des infirmiers libéraux. On est quand même 120.000 sur le territoire, avec un rôle essentiel auprès des patients à domicile", a ainsi tenu à réagir Myriam, elle-même infirmière libérale. "J'ai eu l'impression d'être complètement oubliée", déplore-t-elle.

Et pourtant, ces professionnels de santé réalisent chaque année 780 millions d'actes médicaux auprès de 11 millions de patients, soit 18 % de la population, fait valoir la Fédération nationale des infirmiers. De quoi se demander si leurs prérogatives ne pourraient pas être renforcées, alors même que le chef de l'Etat a annoncé la création d'au moins 4.000 postes d'assistants médiaux, précisément pour alléger la charge de travail des médecins libéraux, notamment en exécutant certains "actes médicaux simples".

Les laissés-pour-compte de la réorganisation du système de santé. "C'est un regret que l'on a eu hier en écoutant Emmanuel Macron : il n'a pas toujours tiré les conclusions des constats qu'il faisait, et notamment sur le sujet de comment partager le travail avec tous les professionnels de santé, les médecins bien sûr, mais aussi les infirmières", reconnaît Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, également au micro du Tour de la question.

"Le transfert de tâche est un sujet", assure ce responsable, pour qui le rôle des infirmières dans le continuum de soins est encore trop largement négligé par les pouvoirs publics. "Aujourd'hui, les infirmières sont des professionnelles de santé à part entière, et pourraient aussi assumer une partie des actes, comme le suivi et l'accompagnement des patients", plaide-t-il. Et l'enjeu est d'autant plus important que la pénurie de médecins se fait sentir dans de nombreuses campagnes et dans de plus en plus de services hospitaliers. Quant à la fin du numerus clausus, annoncée pour la rentrée 2020, elle ne devrait pas porter ses effets avant plusieurs années.

>> De 9h à 11h, on fait le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l'émission ici

Des super infirmières. Malgré tout, un statut d'infirmière en pratique avancée vient déjà d'être créé. Accessible après trois ans de pratique avec un master spécifique, il permet aux infirmières d'aller au-delà de la simple dispense de soin, et de prendre, en accord avec le médecin traitant, plusieurs initiatives comme la prescription d'un examen médical ou de certains médicaments.

"Ça avance", salut André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie à la Pitié Salpêtrière à Paris. Dans le cas, par exemple, d'un diabète, une infirmière en pratique avancée peut "adapter le traitement à l'insuline, pouvoir dire s'il faut augmenter ou diminuer une dose, traiter une hypoglycémie, revoir le traitement", énumère-t-il.

Un certain conservatisme. Néanmoins, de fortes réticences demeurent sur cet élargissement du rôle de l'infirmière. Et c'est peut-être pour éviter de nourrir les crispations que le chef de l'Etat n'a pas risqué mardi un rapprochement entre ces dernières et les assistants médiaux, dont il n'est pas non plus rentré dans le détail des prérogatives. "On ne va pas là-dessus, car il y a aussi un conservatisme des syndicats de médecins", pointe Frédéric Valletoux. Mais les syndicats infirmiers aussi se montrent vigilants. "La création des infirmiers en pratique avancée ne doit pas servir de prétexte à démanteler plus encore les compétences des infirmiers généralistes pour en faire des 'petites mains' salariées chargées de tenir l’agenda du médecin", a déjà averti dans un communiqué la Fédération nationale des infirmiers. 

Autre point susceptible de fâcher : celui de la rémunération, à l'heure où l'on met le système de santé aux économies. Car, comme le souligne André Grimaldi, avec un statut spécifique, les infirmières en pratique avancée peuvent aussi réclamer une rémunération spéciale. "Et ça, conclut-il, ça n'est pas dans le plan santé".