Panthéonisation de Simone Veil : "La rencontre entre la République et un certain sens du sacré "

Simone Veil entre au Panthéon ce dimanche avec son époux, Antoine Veil. Un moment hautement symbolique, selon l'historien Jean-Noël Jeanneney.
Simone Veil entre au Panthéon ce dimanche avec son époux, Antoine Veil. Un moment hautement symbolique, selon l'historien Jean-Noël Jeanneney. © CATHERINE GUGELMANN / AFP
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Pauline Darvey , modifié à
Simone Veil entre au Panthéon ce dimanche avec son époux, Antoine Veil. Un moment hautement symbolique, selon l'historien Jean-Noël Jeanneney. 
INTERVIEW

"Entre ici Jean Moulin avec son terrible cortège..." 19 décembre 1964. La plupart des Français ont encore en tête ce célèbre discours d'André Malraux, lors de l'entrée au Panthéon de Jean Moulin. Des mots qui ont une résonance particulière ce dimanche, alors que Simone Veil et son mari, Antoine Veil, s'apprêtent à y faire leur entrée.

"L'incarnation d'une mémoire". "Une société se constitue, notamment, à partir de la mémoire", explique l'historien Jean-Noël Jeanneney, invité de C'est arrivé demain sur Europe 1. "Au fond, la panthéonisation, c’est l'incarnation instantanée d’une certaine mémoire". "Lorsque ce moment immortel de l’entrée de Jean Moulin accompagné par le discours splendide de Malraux est survenu, c’est bien cela qu’on a voulu dire", assure-t-il.

Toute une symbolique née au 18e siècle. Un siècle "parcouru par des réflexions sur ce que peut être un grand homme" : "Le grand homme était celui qui avait des vertus civiles, civiques", rappelle l'historien. "C’est ainsi que la révolution française a marqué ce désir de saluer ce qui constituait quelque chose comme le sacré de la nation".

"Le regard des hommes dominants". Parmi les premiers grands hommes à avoir avoir été transférés au Panthéon, Mirabeau incarne les premiers jours de la Révolution. "Quand l'assemblée en avril 1791 décide qu'on le transporte au Panthéon, l'église Sainte-Geneviève, à ce moment-là, cela marque l'aspect sacré de cet événement", analyse Jean-Noël Jeanneney. "On ne doit pas l'oublier quand on réfléchit à ce qu’est le Panthéon", prévient-il. "C'est cette rencontre entre la République et un certain sens du sacré dans une France qui reste profondément chrétienne".

Autre moment marquant, l'arrivée des femmes au Panthéon. "Il y a eu, pendant très longtemps, très peu de femmes", constate l'historien. "Cela tenait peut-être au rôle moins grand de la femme dans la société. Mais c’était aussi un regard des hommes dominants sur une situation", estime-t-il.

"Une revanche symétrique". Sophie Berthelot a été la toute première femme à y entrer, en 1907. "Il y a eu quelque chose d’assez symbolique dans le fait que la première femme à y être inhumée, soit la femme du grand savant et homme politique, Marcellin Berthelot, un chimiste", détaille Jean-Noël Jeanneney. "Ils sont morts ensemble et la famille a dit : 'ils vont ensemble entrer au Panthéon'. C'est d'ailleurs ce qui se passe avec Antoine Veil".

Un parallèle qui est également hautement symbolique selon l'historien : "Que cette symétrie fonctionne dans l'autre sens, que ce soit un homme qui entre au Panthéon grâce à sa femme - et ce n’est pas faire injure à la mémoire d’Antoine Veil de dire qu’il n'y serait pas entré s'il n'était pas l’époux de cette femme admirable - c’est une sorte de revanche symétrique".

"Une certaine sensibilité collective". Une revanche qui raconte quelque chose de l'époque. "Au fond, il y a aussi une lecture historique de la panthéonisation, qui ne survient pas à partir du néant, c’est la rencontre entre une certaine conjoncture, une certaine sensibilité collective et d’autre part la trace d’individus".