Mort du juge Lambert : "On cite trop les juges d'instruction par leur nom"

La mort du juge Lambert ravive les problématiques des conditions d'une instruction judiciaire.
La mort du juge Lambert ravive les problématiques des conditions d'une instruction judiciaire. © PATRICK HERTZOG / AFP
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A.D , modifié à
Après la mort du juge Lambert, Pascal Gastineau, président de l’Association française des magistrats instructeurs, est revenu sur plusieurs points délicats de l'exercice du métier de juge d'instruction.
INTERVIEW

Le juge Lambert, premier juge d'instruction désigné dans l'Affaire Grégory a été retrouvé mort à son domicile près du Mans mardi soir. Selon plusieurs sources, la piste du suicide est envisagée. L'Affaire Villemin, irrésolue, revenue récemment sur le devant de la scène, avait marqué toute la carrière et la vie du magistrat qui avait été seul chargé du dossier en 1984 à l'âge de 32 ans. Cette affaire, hautement médiatique, était aussi la première du jeune juge, celui qui fut appelé en une de la presse "Le petit juge Lambert" et que l'on a souvent désigné comme l'un des responsables du fiasco judiciaire. Pascal Gastineau, président de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI) était l'invité d'Europe 1 mercredi midi pour évoquer la formation des magistrats et le fonctionnement de l'instruction.

Les dossiers confiés "aux tribunaux les plus importants". En 2014, le juge Lambert avait répondu aux questions d'Europe 1. Il se disait meurtri, abîmé par cette affaire. "C'est un drame et le fait que ce drame puisse éventuellement être lié à des fonctions de juge d'instruction pose des questions graves qui sont les conditions d'exercice du métier", avance Pascal Gastineau tout en ajoutant que "beaucoup de choses" ont été faites depuis 1984, "notamment la création des pôles. C'est-à-dire qu'on confie aux tribunaux les plus importants les dossiers criminels (...) pour qu'il y ait plusieurs juges, pour qu'un juge ne se retrouve pas tout seul."

"Imposer de parler d'un dossier avec un collègue". Le président instructeur cite également la cosaisine. Cette procédure "développée à partir de 2007-2008 est une des leçons tirées de l'affaire Outreau", précise Pascal Gastineau, qui regrette toutefois que le processus ne soit pas allé jusqu'à valider le principe de "collégialité" de l'instruction, faute de moyens. "La collégialité, c'était imposer aux juges d'instruction d'être ensemble au moment de prendre les décisions les plus importantes. Parfois, il faut imposer de devoir parler d'un dossier avec un collègue", pense toujours Pascal Gastineau. Autre problème évoqué par le spécialiste : le fait de trop parler des juges d'instruction eux-mêmes. "On les cite trop par leur nom", conclut-il, soulevant alors le potentiel manque de sérénité des juges face à la pression médiatique.