Mort de Naomi : que sait-on de l'opératrice du Samu qui a pris l'appel ?

L'opératrice qui a reçu l'appel était une ancienne ambulancière et n'avait jamais commis de faute, selon la CGT (photo d'illustration).
L'opératrice qui a reçu l'appel était une ancienne ambulancière et n'avait jamais commis de faute, selon la CGT (photo d'illustration). © PIERRE ANDRIEU / AFP
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avec Aude Vernuccio , modifié à
Ancienne ambulancière, l'employée était chargée de l'accueil téléphonique du Samu depuis cinq ans. Ses collègues et les organisations syndicales soulignent qu'elle n'avait jamais commis de faute jusque-là.

"La famille, pour l'instant, n'en veut à personne. La famille s'interroge", martèle Me Mohamed Aachour, le conseil des proches de Naomi Musenga. L'accueil téléphonique réservé par le Samu à la jeune femme de 22 ans, morte en décembre après une prise en charge tardive par les secours, fait pourtant débat depuis plusieurs jours. Une enquête préliminaire pour "non-assistance à personne en péril" a été ouverte par le parquet de Strasbourg, tandis que l'enregistrement de l'appel, confié par l'hôpital à la famille, est repris par de nombreux médias. "Moquerie", "raillerie", "mépris" : les qualificatifs sont unanimes pour désigner le ton employé par l'opératrice du Samu qui a échangé avec la jeune femme, la menaçant de raccrocher et recommandant simplement d'appeler SOS Médecins.

Cinq ans d'expérience, aucune faute. "Ce que la famille ne souhaiterait surtout pas, c'est que l'opératrice prenne tout sur ses épaules", poursuit malgré tout Me Aachour. "Elle a peut-être commis une faute, l'enquête le dira. L'enregistrement est surprenant. C'est cynique, c'est indigne, mais ce serait peut-être trop facile de la charger. Le seul constat qu'on peut faire pour l'instant, c'est que le traitement qui a été réservé à Naomi est curieux, étrange." Mercredi, l'opératrice a été suspendue à titre conservatoire par la direction des hôpitaux de Strasbourg, qui diligente une enquête administrative en parallèle de celle initiée par la justice.

Selon un délégué syndical CGT de l'hôpital de Strasbourg, joint par Europe 1, la femme âgée d'une cinquantaine d'années, occupait le même poste depuis cinq ans. Aujourd'hui "effondrée", elle n'avait jusque-là jamais commis de faute, indique la même source. Auparavant ambulancière, elle avait une bonne connaissance du fonctionnement de la chaîne des services de secours.

"Une décision prise de son propre chef ?" C'est précisément cette chaîne de responsabilités qui est interrogée par les avocats. "L'opératrice ne peut pas être une fin en soi", souligne Me Aachour. "Est-ce qu'il y avait un médecin régulateur qui était présent, qui a participé à cet entretien téléphonique ou non ? Est-ce que c'est une décision qu'elle a prise de son propre chef, de ne pas envoyer le Samu ?" Ce jour-là, sur les recommandations de l'opératrice, Naomi Musenga a finalement appelé SOS Médecins, qui l'a fait prendre en charge par le Samu quelques heures plus tard. Impossible, à ce stade, de savoir si une réduction de ce délai aurait pu sauver la jeune mère de famille.

Reste que le rythme de travail de la femme en charge de l'accueil téléphonique, qui remplaçait ce jour-là un collègue malade alors qu'elle aurait dû bénéficier d'une journée de repos, pose également question. Tout comme l'influence qu'ont pu exercer sur elle les pompiers du Bas-Rhin, primo-destinataires de l'appel de Naomi Musenga, comme le relève Franceinfo. L'enregistrement fourni par l'hôpital comporte en effet un premier échange entre l'opératrice et son homologue des pompiers, qui "annonce" le cas dont il est question et semble déjà minimiser la gravité de l'état de la jeune femme. "Elle a appelé la police, elle dit qu'elle va mourir !", lance-t-elle en riant à l'employée du Samu. Quelques secondes avant que celle-ci n'échange avec la patiente, vraisemblablement très diminuée.