Mère célibataire, Céline s’approvisionne au Secours populaire : "Ce n’est pas une honte"

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Léa Beaudufe-Hamelin , modifié à
Après avoir subi un enfer conjugal, Céline a quitté son mari il y a deux ans. Depuis, elle élève seule ses quatre enfants et vit grâce aux allocations familiales et à son congé parental. Manquant de moyens, elle bénéficie de l’aide alimentaire du Secours populaire. Mère célibataire, Céline se confie à Olivier Delacroix.
TÉMOIGNAGE

Céline a 32 ans. Il y a deux ans, elle a divorcé après avoir vécu un enfer conjugal. Elle élève désormais seule ses quatre enfants âgés de deux à neuf ans. N’ayant jamais travaillé, Céline vit grâce aux allocations familiales et à son congé parental. Au chômage, son ex-mari ne lui verse pas non plus de pension alimentaire. Pour subvenir aux besoins de sa famille nombreuse, Céline s’approvisionne alors auprès du Secours populaire. Elle raconte à Olivier Delacroix son quotidien de mère célibataire. 

"Je n'aurais jamais pensé devoir venir chercher à manger au Secours populaire. Ça a été très dur. Quand est pris dans la vie quotidienne avec les enfants, on met ça de côté, on vit, on assure. Mais quand on vient ici, on se reprend la situation de plein fouet. On se dit : ‘Je suis dans la merde. Il faut que je vienne là pour faire manger mes enfants.’ J'ai grandi dans un milieu assez protégé. Je n’ai jamais manqué d'argent. Je partais en vacances au ski. 

Je ne connaissais pas du tout cette vie. Ça permet aussi d’ouvrir son esprit et d'avoir moins de préjugés parce qu’on en a tous. Je me dis que c'est provisoire et que je ne vais pas passer ma vie à venir au Secours populaire. J’ai aussi donné de mon temps. Il faut que j'accepte de recevoir ce que j'ai pu donner à d'autres. C'est plus dur d'accepter de recevoir sans perdre sa dignité.

" Je ne dis pas souvent ‘oui’ pour acheter des choses "

S’il n’y avait pas ça, je pourrais manger, sauf qu’on ne pourrait pas s'offrir beaucoup de choses, notamment les fruits et légumes qui sont chers. Si je privilégiais la nourriture, ça voudrait dire pas de vêtements. Je ne pourrais pas payer les autres frais. Avoir ça, me permet d’offrir un magazine aux enfants s’ils vont à la librairie par exemple. Je ne dis pas souvent ‘oui’ pour acheter des choses. Ils le savent. Le budget est très serré.

Pour gagner de l'argent, je vends aussi des choses. Je revends les jouets qui ne servent plus aux enfants ou les objets de de puériculture. Ça me permet de tenir toute l'année et d'avoir un petit apport supplémentaire d'argent à mettre de côté. Tous les mois, je me demande ce qui est prévu, s’il y a des anniversaires par exemple. Je me demande ce que j’ai à vendre, combien je peux mettre de côté et ce que je vais rogner.

" On n'a pas d'argent, mais que ça ne nous empêche pas d'être heureux  "

Ce n'est pas pesant pour les enfants. Je leur dis les choses. Je ne fais pas non plus dans le misérabilisme. Je ne me plains pas toute la journée, en disant qu’on n'a pas d'argent et qu’on ne peut pas vivre. Au contraire, je leur dis que c'est passager, qu’on n'a pas d'argent, mais que ça ne nous empêche pas d'être heureux. On peut faire des choses. Ce n'est pas quelque chose dont ils parlent ou qui les angoisse.

Je prends du recul. J'étais beaucoup dans la société de consommation, toujours à l'affut du dernier truc. Ça m'a remis les pieds sur terre. Ça m'a montré qu'on n’est pas obligé d'avoir les placards et le frigo remplis à ras bord pour se nourrir correctement. On peut faire des choses simples et se débrouiller autrement, en dépensant le moins possible. Ça n'enlève pas la qualité. Au contraire, j'ai appris des valeurs que j'avais peut-être oubliées. 

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Mon idéal de vie, c'était d'avoir une famille nombreuse, de rester à la maison et de m'occuper d’eux. Je n'ai pas une grande envie de travailler. Ce n'est pas nécessaire à mon épanouissement. Je n'ai jamais eu de problème à me projeter en tant que mère au foyer. Ma priorité, c’était ma vie de famille. Quand je me suis mariée, j’étais dans l’optique qu’on se marie et qu’on reste ensemble quoiqu'il arrive. On aura des moments difficiles, mais on les passera. Sinon, je n'aurais pas fait quatre enfants. J’ai pris la décision de partir au bout d’un long moment. Ça n'a pas été une décision facile à prendre.

" Cet été, on n'a pas pu partir en vacances "

À choisir, je préfère vivre en ici en Bretagne qu'en région parisienne. Cet été, on n'a pas pu partir en vacances. Les enfants n'ont pas été lésés. Ils ne se sont pas sentis mal parce qu'ils allaient à la plage tous les jours et ils se baignaient. La famille est venue. J'ai toujours voulu un tel cadre pour mes enfants. Je suis contente d'être ici. La vie que j'offre ici à mes enfants, je n'aurais jamais pu leur offrir à Paris. En région parisienne, il faut de l'argent. En étant mère célibataire, avec le peu de revenus que j'ai, je n’aurais jamais rien pu faire.

Ici, j'ai une maison avec un petit terrain. Je suis à 200 mètres de la plage. Ils n’ont pas l'impression d'être différents des autres parce que j'ai moins d’argent ou que leur père et moi sommes séparés. Ils vivent bien les choses, aussi parce que je ne leur montre pas que c'est parfois difficile. Il y a des tas de choses gratuites à faire que les enfants adorent. On va à la pêche, on fait du vélo, du roller… On fait plein de choses et ça les rend heureux. Ils sont en bonne santé et ils vont bien. Pour moi, c'est essentiel. 

" Je ne porte pas un très beau regard sur les hommes pour l'instant "

Cette situation de maman célibataire est un échec, mais ce n’est pas une honte. C'est une vie. Il vaut mieux être seule avec ses enfants que de subir des choses pour préserver les apparences. Ce que je vivais en couple, ça ne se voyait pas de l'extérieur. J'avais honte parce que je pensais que c'était de ma faute. Je pensais que j'étais responsable de la situation. Je me suis rendu compte de la force que j'avais, alors que je pensais ne pas en avoir. Tout ce que j'ai fait en si peu de temps m'a donné confiance en moi.

Je ne porte pas un très beau regard sur les hommes pour l'instant. Je ne mets pas tous les hommes dans le même panier. Je n'ai pas l'impression que j'arriverai à retrouver confiance. J'avais donné toute ma confiance et tout mon amour à un homme qui m'a déçue. Pour l'instant, je préfère être seule qu’être avec quelqu'un et ne pas me sentir bien. Je ne sais pas si je suis une guerrière. Sincèrement, ce n'est pas dur. Pour moi, ce n'est pas plus difficile d'être aujourd'hui seule avec mes quatre enfants que de vivre ce que je vivais en couple. C'est même plus facile.

C'est horrible, mais il y a des moments où j’aimerais pouvoir poser mes enfants quelque part et refaire ma vie toute seule, sans eux. Je sais que maintenant, ma vie est avec eux et c'est un poids énorme. Je sais que chaque décision que je vais prendre aura une répercussion sur eux et leur vie future. J'accepte. Avant, je m'en voulais beaucoup de penser ça. Tant que je le pense seulement, ça va. Pendant ces années de mariage, ma mère m'avait dit : ‘On t’avait perdue’. Je retrouve la vie."