Envoi de mails persos depuis sa boîte pro : une question de dosage

Sylvain Niel, avocat en droit social à Fidal.
Sylvain Niel, avocat en droit social à Fidal. © Europe 1
  • Copié
A.D , modifié à
Alors que la Cour européenne tranche mardi une affaire dans laquelle un salarié avait correspondu avec ses proches depuis sa messagerie professionnelle, Sylvain Niel, avocat en droit social, nous éclaire sur cette pratique répandue.
INTERVIEW

Un salarié peut-il être licencié parce qu'il a utilisé sa boîte mails à des fins personnelles ? La question doit être tranchée ce mardi par la Cour européenne des droits de l'homme. L'histoire commence quand un salarié roumain est licencié en 2007 parce qu'il avait correspondu avec son petit-ami et son frère via la messagerie associée à son poste de travail. Sylvain Niel, avocat en droit social était l'invité d'Europe 1 mardi pour éclairer cette situation.

Entre outil pro et liberté individuelle. "En France, ce n'est pas interdit. Les messageries professionnelles sont des outils professionnels", rappelle néanmoins l'avocat, ce qui implique que "l'employeur est en droit de vérifier le trafic sur ces messagerie, de voir la durée des connexions personnelles et si ça désorganise ou pas l'activité du salarié." D'un autre côté, Sylvain Niel souligne que la correspondance privée relève "de l'exercice d'une liberté individuelle". En substance, l'employeur n'a ainsi pas le droit de prendre connaissance du contenu des messages personnels. Ce serait comme ouvrir un courrier papier adressé personnellement, "ce qui est constitutif d'un délit puni d'un an de prison et de 45.000 euros d'amende."

Une question de dosage. Pour l'heure, "les juges ne se sont pas prononcés en matière de mails sur les trafics excessifs des mails personnels. Un employeur n'a pas le droit de prendre connaissance des mails. Ce serait attentatoire aux libertés individuelles, mais pour autant, quelqu'un qui passerait des journées complètes à envoyer des mails personnels n'exercerait plus normalement son travail et pourrait être sanctionné." La question pour la Cour européenne est donc de savoir s'il y avait "une perturbation dans l'activité professionnelle du salarié." En 2016, la Cour européenne avait déjà rendu une décision indiquant que l'employeur pouvait surveiller l'usage internet de sa société. La question se résumerait ainsi à placer un curseur, soit identifier à quel moment le salarié n'a "pas une activité professionnelle normale et qu'elle est perturbée par l'usage abusif de trafic de mails privés", conclut l'avocat.