L'ex-électricien de Picasso "lavera-t-il son honneur" ?

Pierre et Danielle Le Guennec seront jugés en appel à Aix-en-Provence, à partir de lundi.
Pierre et Danielle Le Guennec seront jugés en appel à Aix-en-Provence, à partir de lundi. © AFP
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Margaux Lannuzel avec AFP , modifié à
Condamné, comme son épouse,  à deux ans de prison avec sursis pour le recel de 271 œuvres, l'ex-électricien de l'artiste affirme qu'il s'agissait d'un don. Son procès en appel s'ouvre lundi.

"On est déçus", murmurait Pierre Le Guennec en mars 2015. Préférant la thèse du recel à celle du don, le tribunal de Grasse venait de condamner l'ex-électricien de Pablo Picasso et son épouse, qui détenaient 271 œuvres du maître, à deux ans de prison avec sursis. "On est des gens honnêtes. Peut-être qu'on ne sait pas parler… On est des petits, on n'a pas un grand nom", invoquait Danielle Le Guennec, plus offensive. S'estimant "sali", le couple a depuis décidé de faire appel de sa condamnation, recrutant au passage la star du barreau Eric Dupond-Moretti. L'audience s'ouvre lundi, devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.   

Des dizaines de dessins dans un garage. Largement médiatisée lors du premier procès, l'affaire éclate en 2010, lorsque Claude Ruiz-Picasso, portrait craché de son père, découvre, ébahi, des dizaines de dessins de ce dernier dans son bureau parisien. Les esquisses viennent d'être confiées par les époux Le Guennec à la Picasso Administration, pour "obtenir des certificats d'authentification". Les héritiers portent plainte, et Pierre et Danielle sont mis en examen en mai 2011, pour "recel de biens provenant d'un vol". Les œuvres, entreposées dans leur garage du sud de la France depuis quarante ans, sont saisies par la justice, sans que leur valeur ne soit chiffrée. 

D'où viennent ces œuvres, qui "n'auraient jamais dû être soustraites de la succession et de l'histoire de l'art", selon les termes de Claude Ruiz-Picasso ? D'après l'ancien électricien, elles lui ont été données par Pablo Picasso et son épouse Jacqueline, alors qu'il effectuait des travaux au mas Notre-Dame-de-Vie, dans les Alpes-Maritimes, dernière demeure de l'artiste. "Un soir que je quittais mon travail, Madame m'a tendu un petit paquet en disant 'c'est pour vous'. (...) Quand je suis rentré à la maison, j'ai vu des esquisses, des dessins au crayon, je n'y connaissais rien", a expliqué Pierre Le Guennec.

Préjudice "à la mémoire" du peintre. "Picasso n'était pas quelqu'un d'inconscient de ses œuvres, il ne donnait pas n'importe comment", répondaient en 2011 les héritiers du maître, par la voix de leur avocat, Me Neuer. "A part ces 271 pièces, l'ancien électricien ne s'était vu offrir qu'une brochure d'exposition dédicacée par l'artiste. Cela montre leur niveau de proximité !", assénait l'avocat, soulignant le caractère suspect d'un don d'autant d’œuvres, "qui n'ont rien à voir les unes avec les autres". Le précieux butin comprend notamment des collages cubistes, des carnets de dessin, six petites huiles sur toile et 28 lithographies.

Lors du procès, le procureur a requis cinq ans de prison avec sursis à l'encontre du couple, estimant que les septuagénaires avaient porté préjudice à "la confiance" et à "la mémoire" du peintre. Reconnus coupables de "recel de biens provenant d'un vol", sans que l'enquête ne permette d'établir formellement l'identité de son auteur, les époux ont finalement été condamnés à deux ans de prison avec sursis, ainsi qu'à la restitution des œuvres aux héritiers.

Un appel "mieux préparé". "Je veux laver mon honneur et que le mot 'voleur' disparaisse enfin. Je ne le supporte pas", a depuis confié Pierre Le Guennec à 20 Minutes. L'ancien électricien attend l'audience d'appel "avec impatience", assurant qu'il sera "mieux préparé". Pour multiplier ses chances, le couple a changé d'avocat : à Aix-en-Provence, c'est Eric Dupond-Moretti, réputé pour ses nombreux acquittements - il en comptait 120 à son actif en 2015 -, qui assurera leur défense.

En première instance, l'avocat des héritiers avait décrit Pierre Le Guennec comme un pion manipulé par des marchands d'art véreux, tentant d'écouler des œuvres volées par son cousin surnommé "Nounours", ex-chauffeur de Picasso. Plus que cette théorie, pour laquelle aucune preuve n'avait été présentée, ce sont les témoignages de proches et d'experts de Picasso, détruisant systématiquement la thèse du don, qui avaient fait pencher la balance. Reste désormais à savoir si avec une "meilleure préparation", les Le Guennec ont trouvé des témoins susceptibles de défendre leur bonne foi en appel. Le jugement sera rendu le 16 décembre.