Les cigarettiers accusés de tricher sur le taux de nicotine : "ça a un effet addictif beaucoup plus fort"

Les taux inhalés seraient beaucoup plus importants que ceux contrôlés pour la réglementation.
Les taux inhalés seraient beaucoup plus importants que ceux contrôlés pour la réglementation. © NOEL CELIS / AFP
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M.Be avec AFP , modifié à
Quatre cigarettiers sont accusés d'avoir trompé la réglementation en créant un dispositif qui permet de camoufler les taux réels de nicotine et de goudron dans les cigarettes. 
INTERVIEW

Le comité national contre le tabagisme a porté plainte contre les filiales françaises de quatre cigarettiers pour "mise en danger délibérée de la vie d’autrui", fin janvier, les accusant d’avoir menti sur les taux de goudron et nicotine présents dans les cigarettes. "Ils ont menti sur la teneur en goudron et en nicotine des cigarettes, et surtout, ils ont créé un dispositif dans les cigarettes qui permet de tromper les machines qui sont censées contrôler ces quantités de goudron et de nicotine", explique vendredi dans Europe Midi Pierre Kopp, avocat du comité national contre le tabagisme (CNCT).

Des quantités 2 à 10 fois supérieures. Selon le CNCT, la quantité de goudron dans les cigarettes est de 2 à 10 fois supérieure à celle mesurée par ces machines, et de 5 fois supérieure pour la nicotine. "Dépiautez le filtre d'une cigarette et vous allez voir des micro-trous qui n’ont qu’une fonction : lorsqu’on teste la cigarette, on la met dans une machine à fumer et ce qu’on mesure est très différent de ce qui est inhalé par le consommateur", poursuit Pierre Kopp. "Ce dispositif de micro-orifices dans le filtre des cigarettes empêche les autorités de savoir si les seuils de goudron, de nicotine, et de monoxyde de carbone qu'elles ont fixés sont dépassés", fait encore valoir le CNCT dans un communiqué.

 

Les taux de goudron et de nicotine contenus dans les cigarettes sont mesurés avec une "machine à fumer" qui aspire la fumée. Les petits trous mis par les cigarettiers dans les filtres permettent de diluer cette fumée dans l'air ambiant, ainsi la quantification des produits est faussée. Alors qu'un fumeur, avec ses lèvres et ses doigts, obstrue ces trous et inhale donc des quantités plus importantes que celles mesurées par la machine. 

Un "tobacco gate". L'existence de ces "trous de ventilation" dans les filtres à cigarettes n'est pas nouvelle. Elle date selon le CNCT de la fin des années 1950, au moment où les mesures du taux de goudrons et de nicotine ont commencé à être imposés aux États-Unis. L’ampleur du dispositif est tel qu’il pourrait concerner les cigarettes vendues aux quatre coins du monde. "Les cigarettes sont produites industriellement, donc a priori, on retrouve ce même dispositif dans tous les pays", avance l’avocat du CNCT. "Certains journaux parlent de 'tobacco gate', c’est l’idée que ce dispositif est créé pour tromper la réglementation." Selon le CNCT, 97% des cigarettes seraient concernées par ce dispositif de petits trous. 

Rendre le consommateur encore plus accro. Le but de cette tromperie serait de rendre les consommateurs encore plus accros à la cigarette, d'après le CNCT. "Vous absorbez beaucoup plus de nicotine, donc ça fait un effet addictif beaucoup plus fort", en déduit Pierre Kopp. En conséquence, le CNCT demande la condamnation des cigarettiers, la cessation de ces dispositifs de tricherie et l’indemnisation des victimes. La plainte vise les filiales françaises des quatre grands cigarettiers, Philip Morris, British American Tobacco, Japan Tobacco International et Imperial Brands (dont Seita est une filiale).