EXCLUSIF - Le renseignement français recrute à l'université : "On a besoin de personnes qui ont ces profils"

Bruno Dalles, le directeur de TRACFIN 1280
© ERIC PIERMONT / AFP
  • Copié
Alain Acco, édité par Romain David , modifié à
INTERVIEW - Au micro d'Europe 1, Bruno Dalles, le directeur de Tracfin, explique l’intérêt grandissant des services de renseignement pour les chercheurs et les universitaires.
INTERVIEW

C'est une scène plutôt rare qui s'est déroulée lundi soir, dans un amphithéâtre de Sciences Po Paris. Les patrons des six principaux services de renseignement français (DGSI, DGSE, DRM, DRSD, DNRED, Tracfin) et le Coordonnateur national du Renseignement se sont retrouvés face à des étudiants et des chercheurs pour un séminaire consacré aux liens entre deux mondes qui se sont longtemps ignorés : le monde du renseignement et le monde universitaire. Les services de renseignement français veulent en effet s'ouvrir davantage aux étudiants, car leur développement les oblige désormais à recruter dans les facs et les grandes écoles des ingénieurs, des informaticiens, des linguistes ou encore des analystes.

Interrogé par Europe 1, Bruno Dalles, le directeur de Tracfin, le service de renseignement du ministère des Finances, surtout connu pour son action contre le blanchiment et la fraude fiscale, mais très actif aussi sur le financement du terrorisme, évoque au micro d'Europe 1 l'engouement des futurs diplômés pour ce secteur un peu particulier.

Quels types de profil intéressent les recruteurs du renseignement ? 

Tous les services de renseignement ont une croissance exponentielle de leurs effectifs. On est tous confrontés au besoin de diversifier nos profils, parce que le travail d'analyse du renseignement, et pas que dans le domaine financier, suppose d'agréger des compétences de data science, des compétences sur les techniques de renseignement et sur l'analyse de données techniques. On a besoin de personnes qui ont ces profils. On a besoin aussi d'analystes qui connaissent la géopolitique et qui sont capables d'être très puissants dans l'analyse complexe.

L'administration peut-elle rivaliser avec le privé ?

C'est difficile parce que les rémunérations du privé n'ont rien à voir avec celle du public. Pour les services de renseignement, ce que l'on souhaite, et il s'agit d'un objectif que l'on arrive presque à atteindre, c'est d'avoir la possibilité de prendre en compte les niveaux de rémunération du privé et d'avoir des statuts d'analyste qui soient des statuts communs, ainsi que des contrats publics à durée déterminée ou indéterminée qui tiennent compte du prix du marché. On ne peut pas offrir plus, mais parce que l'on offre des possibilités raisonnables, ça attire. On a des personnes qui veulent venir chez nous pour participer à l'intérêt général, pour mettre au point de nouvelles techniques.

Est-ce que l'on se bouscule aujourd'hui pour rentrer dans les services des renseignements ?

Je rêve d'avoir un Bureau des légendes de Tracfin, et je pense que ce jour-là j'aurai encore plus de sollicitation ! Très honnêtement, le renseignement attire. En tout cas, pour Tracfin, à chaque fois que l'on ouvre un poste, on a des dizaines de candidats utiles. Je peux choisir et je peux encore bénéficier d'augmentation d'effectifs sur les prochaines années.

Une carrière qui séduit de plus en plus

À Tracfin ou à la DGSI, il y a déjà 20% de contractuels, 25% à la DGSE et plus de 30% de civils à la DRM. Il faut dire que, depuis plusieurs années, les services de renseignement ne sentent plus le souffre. Leur image de marque s'est nettement améliorée ; l'actualité est passée par là avec les attentats et la menace terroriste.

Depuis 2015, les services de renseignement Français n'ont jamais autant recruté. Et cela devrait continuer. La DGSE, par exemple, recrute entre 500 et 600 personnes par an, pour majorité des contrats de 3 ans, renouvelables.