"Je nous accuse" : un an après la lettre au vitriol d’une enseignante, les écoles marseillaises vont-elles mieux ?

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IMAGE D'ILLUSTRATION © GUILLAUME SOUVANT / AFP
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En décembre 2015, Charlotte Magri, enseignante des quartiers nord de Marseille, avait piqué les politiques au vif avec sa lettre.

"Je nous accuse d’aggraver les inégalités sociales. Je nous accuse de produire sciemment de l’échec scolaire et des délinquants. Je nous accuse de jouer avec la santé des enfants des classes sociales les moins favorisées". Il y a un an, Charlotte Magri, enseignante des quartiers nord de Marseille, dressait un portrait au vitriol de la situation des écoles phocéennes et de l’Education nationale dans son ensemble.

Dans un courrier adressé à la ministre Najat Vallaud-Belkacem, elle décrivait notamment l’environnement dans lequel elle évoluait au quotidien : des salles de classes surchauffées l'été et glaciales l'hiver, insalubres, avec "des trous tout à fait ludiques qui égayent le revêtement au sol et qui nous rappellent que sous les dalles se trouve l’amiante" ou encore des escaliers avec de "grosses planches pointues qui menacent de choir lamentablement sur les enfants".  "La cantine vous promet en effet de nombreux conflits à régler quotidiennement sur votre temps de classe, puisque le taux d’encadrement municipal y est si bas qu’il permet aux enfants de défier les règles de l’école, souvent avec violence, malgré l’implication du personnel", dénonçait-elle encore.

" Tout n'est pas réglé mais les choses sont en bonne voie "

Où en est-on aujourd’hui ? En janvier dernier, le ministère a mobilisé 7 millions d'euros, et la ville 5 millions, pour lancer 746 chantiers dans les écoles de la ville. "Tout n'est pas réglé mais les choses sont en bonne voie", a constaté Najat Vallaud-Belkacem, en déplacement dans la cité phocéenne le 28 novembre. La ministre estime qu'il faudra deux ou trois ans pour que "l'ensemble des établissements" marseillais soit "mis à niveau".

Mais sur le terrain, les avis se montrent sceptiques. "On a fait quelques petits travaux. Évidemment, entre changer les fenêtres et mettre un coup de peinture, on a préféré remettre un coup de peinture, ça coûte moins cher et ça se voit mieux. Prioritairement, les travaux ont été faits dans les écoles les plus médiatisées", dénonce Charlotte Magri, interrogée mi-novembre par La Provence à l’occasion d’un débat organisé par l’association Marseille et moi. Dans son école, "on a changé une fenêtre sur cinq, on a refait la peinture, on a bouché les trous au sol où il y avait de l'amiante, sans faire de mesure de l'air pour vérifier ce qu'on y respirait", regrette-t-elle encore.

" Il y a un tel gouffre entre ce qui a été fait et ce qui reste à faire "

Du côté des syndicats, c’est plutôt le manque de personnel et d’écoles que l’on met en avant, notamment dans l’hyper-centre. Récemment, des habitants du 3e arrondissement de la ville ont manifesté sur le sujet. Faute d’écoles disponibles et d’enseignants pour les accueillir, "des familles déménagent, sont en attente d'une affectation dérogatoire, partent dans le privé", s’inquiète également Luc Launay, inspecteur Académique, dans le quotidien provençal. "Il y a un tel gouffre entre ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Bien sûr, cette ‘mise sous tutelle’ de l’Etat a fait du bien, mais on est encore loin du compte", poursuit Barbara Miret, secrétaire départementale adjointe du SNUipp, interrogée par Libération.

La ville a, pour sa part, promis de remplacer tous les préfabriqués par des "vrais" bâtiments et de construire autant d’écoles que nécessaires d’ici 2020. Charlotte Magri, elle, a quitté l’Education nationale en septembre, pour se consacrer à l’écriture et "autres projets joyeux, graves et créatifs", indique-t-elle aujourd’hui sur son site