Avec les écrits pour seules épreuves d'entrée à l'ENS, les filles ont un meilleur taux de réussite. (photo d'illustration) 1:26
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Joanna Chabas, édité par Ugo Pascolo , modifié à
Faute d'oral pour intégrer la filière littéraire de la prestigieuse École Nationale Supérieure, cette année les filles sont beaucoup plus nombreuses que les autres années à avoir réussi à décrocher leur sésame pour la prestigieuse institution. 

C'est une conséquence inattendue du coronavirus. Faute d'oral en plus d'un écrit pour intégrer la filière littéraire de la prestigieuse École Nationale Supérieure (ENS), il y a beaucoup plus de candidates admises que les années précédentes. Elles constituent ainsi 67% des nouveaux élèves dans l'école parisienne, contre 54% en moyenne sur les cinq dernières années. Et dans l'antenne lyonnaise, c'est même 71% de la nouvelle promotion qui est féminine, contre 60%. 

Un manque de confiance des filles à l'oral

Une différence de taille qui n'étonnent pourtant pas les étudiantes des classes préparatoires rencontrées par Europe 1. Selon elles, l'oral de l'ENS est la chasse gardée des garçons et à niveau égal, elles sont persuadées de partir avec un handicap. "À part celles qui ont fait du théâtre, les filles n'ont pas beaucoup l'habitude de prendre la parole", explique Mathilde, étudiante qui fera sa rentrée à l'ENS prochainement.

Un phénomène d'autant plus vrai, selon elle, lorsqu'il s'agit "d'exposer quelque chose dans un contexte aussi impressionnant qu'un oral de concours, alors que les garçons sont plus confiants". C'est donc tout naturellement que Mathilde confie avoir été soulagée quand elle a appris que cette épreuve était annulée à cause de la situation sanitaire. 

Des garçons plus encouragés à prendre la parole...

Mais comment expliquer ce delta de confiance lorsqu'il s'agit de passer un oral ? Selon de nombreux sociologues, l'explication est dans l'éducation : dès l'enfance, les garçons sont bien plus encouragés que les filles à prendre la parole en public, à oser s’exprimer même quand ils ne savent pas. Mais pour Brigitte Grésy, du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes, la faute incombe aussi aux membres du jury.

Et des jurys plus indulgents ? 

"Les filières littéraires sont tellement féminisés qu’à l’oral, le jury veut un peu rattraper la gente masculine." Être un garçon serait donc gage d'indulgence, selon cette spécialiste. "Et là, l'anonymat des copies a permis de rendre compte de la valeur des copies indépendamment du sexe."

Face aux critiques contre ses jurys, l’ENS a réagi dans un communiqué et leur réaffirme "sa confiance", mais elle évoque aussi des "biais de genre" qui existent "dès le plus jeune âge". Une façon de reconnaître qu’aujourd’hui les hommes et les femmes ne peuvent pas aborder cet oral de la même façon.