"Gilets jaunes" : comment vérifier qu’une image publiée sur les réseaux sociaux est authentique ?

Beaucoup de "gilets jaunes" disent ne pas faire confiance aux médias, et privilégier l'information via les réseaux sociaux.
Beaucoup de "gilets jaunes" disent ne pas faire confiance aux médias, et privilégier l'information via les réseaux sociaux. © Miguel SCHINCARIOL / AFP
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"Fake news" - Depuis le début du mouvement, de nombreuses photos et vidéos mensongères, et très relayées, circulent sur les réseaux sociaux.

"Une information qui vient d'un gilet jaune, de gens comme nous, ça a plus de chances d'être vrai. C'est comme ça qu'on s'informe." Comme nous l’expliquait une manifestante de Brignoles dans cet article, de nombreux "gilets jaunes" privilégient les informations qui circulent sur les réseaux sociaux, publiées par d’autres "gilets jaunes", à celles relayées par les médias traditionnels, jugées "déconnectées" de la réalité ou trop partielles. Problème : de nombreuses fausses informations circulent sur Facebook, Twitter et autre Instagram, principalement celles qui s’appuient sur des images, photos ou vidéos, jouissant d’une audience considérable depuis le début du mouvement. Comment éviter de se laisser avoir par une "fake news" ? Voici quelques conseils.

Quelques questions de base à se poser…

Avant de donner du crédit à une image (et son commentaire) qui circule sur Facebook, "il y a plusieurs questions à se poser", expliquait le site "Spicy", spécialisé dans la traque des théories du complot, dans une vidéo publiée en 2016 en partenariat avec Europe 1. Pour rappel, ces questions sont :

- Quelle est la source de l’image ? La personne qui relaye l’image mentionne-t-elle au moins une source ? L’image est-elle datée ? Quelles sont les intentions de celui ou celle qui la relaye ?

- Que se passerait-il si l’information/l’image relayée était vraie ? En allant tout au bout de la logique de celui ou celle qui la relaye, la situation serait-elle réaliste ?

- N’y a-t-il pas une autre explication, qui paraîtrait plus logique que celle que l’on nous présente ? 

En passant toutes les informations qui circulent sur les réseaux sociaux à la moulinette de ces questions, de nombreuses "fake news" sont susceptibles de tomber. Un exemple ? Le 22 novembre, un internaute publie sur le groupe des "gilets jaunes" de Montpellier la vidéo de CRS enlevant leur casque. Partagée 177.000 fois, elle a été présentée comme un acte de ralliement des CRS aux gilets jaunes. Mais qu’en est-il vraiment ? Essayons les questions mentionnées plus haut :

- Qui était la source ? L’auteur de la vidéo est un "gilet jaune", et ses intentions étaient de saluer le succès du mouvement.

- Que ce serait-il passé si les CRS avaient réellement rallié le mouvement ? En tentant d’aller au bout de la logique, les CRS, tenus à la neutralité, auraient dû se faire sanctionner, pour avoir mis entre parenthèse leur mission. Mais aucune source ne mentionne de telles conséquences.

- N’y a-t-il pas une autre explication logique ? Selon un reporter de France 3 sur place, les CRS avaient tout simplement enlevé leur casque… car ils avaient chaud, et que la situation était totalement apaisée.

Tout cela porte plutôt à croire, donc, que l’image montrant des CRS enlevant leur casque est bien vraie. Mais que la conclusion d'une partie de ceux qui la relayent (les CRS affichent leur soutien au mouvement) est erronée.  

… Et quelques réflexes à avoir

Autre réflexe de base à avoir : regarder attentivement les images, le contexte, la date, le cadrage, le son. Le 24 novembre, une image relayée par des pro-Macron sur Twitter montrait par exemple un manifestant faisant un salut nazi. Il s’agissait d’une capture d’écran de BFMTV. Or, un coup d’œil à la vidéo d’origine, accessible sur le site de BFMTV, permettait de voir qu’il criait en réalité "avé Macron", et qu’il s’agissait plutôt d’un salut romain que d’un salut nazi.

Autre exemple : le 21 novembre, une vidéo publiée sur Facebook montrait des "gilets jaunes" sortant d’un bâtiment officiel, présenté comme l’Elysée. Or, comme l’a repéré l’AFP Factuel, un regard attentif à la vidéo permettait de voir qu’en figeant l’image au bon moment, on pouvait voir l’inscription "préfecture de l’Aube" au-dessus d’une porte.

Des sites et des applications pour aider

Dans certains cas, toutefois, l’attention et le bon sens ne suffisent pas. Comme le détail ici The Observer, le pôle "vérification d’image" de France 24, plusieurs outils techniques vous aideront à vérifier si une image a déjà été employée par le passé, et si elle représente bien ce que raconte la personne qui la relaye.

Le premier outil est bien connu : Google. Pour cela, il suffit d’opérer un clic droit sur une image que vous jugez douteuse, de "copier l’adresse de l’image", de vous rendre dans Google image, de cliquer sur "recherche par image" (le petit logo appareil photo), et de coller le lien de votre image dans le champ que l’on vous propose. Une telle  recherche vous permettra de voir si d’autres articles ont été écrits en utilisant cette image. Attention, toutefois : Google fait parfois remonter des articles racontant n’importe quoi. "L’algorithme de Google recherche quel est le contexte le plus probable pour une image en se basant sur les articles qui utilisent cette photo", explique The Observer. Il est donc conseillé de répéter l’opération avec d’autres moteurs de recherche, tels que Yandex, Tin Eye, Image Raider ou Baidu.

Est-ce que ça marche ? Souvent, oui. The Observer donne ainsi l’exemple de deux photos de manifestantes en sang, présentées le 20 novembre dernier par un compte Facebook comme des "gilets jaunes" violentées.

>> Les deux femmes à gauche de ce montage sont en réalité Espagnoles :

photos-gilets-jaunes

Grâce à une recherche croisée sur les sites mentionnés plus haut, The Observer a réussi à trouver la trace de ces photos : il s’agissait en réalité de deux manifestantes espagnoles, prise à partie par les forces de l’ordre à Madrid en 2012 pour l’une, et à Barcelone en 2017 pour l’autre (les autres personnes que l'on voit sur l'image ci-dessus sont bien des "gilets jaunes").

Les vidéos sont plus compliquées à vérifier, car elles sont souvent moins bien répertoriées sur la toile, et il est plus difficile de remonter leurs traces. Deux sites proposent toutefois d’en faire le test : Amnesty YouTube Dataviewer (ne fonctionne qu’avec YouTube) et InVid (en anglais). Il s’agit de copier-coller le lien de la vidéo et un logiciel de ce site tentera de retrouver l’origine des images (pour InVid, il faut télécharger une extension pour votre navigateur internet, puis aller dans l’onglet “Keyframes”). Mais le résultat n’est malheureusement pas garanti.