Gabrielle est impuissante face à l'addiction au crack de sa fille : "Elle plonge de plus en plus"

Photo d'illustration
Photo d'illustration © NELSON ALMEIDA / AFP
  • Copié
Guilhem Dedoyard , modifié à
La fille de Gabrielle est addict au crack. Rendue dépendante par son petit-ami américain, elle peine à avoir une vie stable et sa fille de quatre ans complique encore l'équation. Au micro d'Europe 1, Gabrielle raconte ne pas trouver le soutien nécessaire dans les groupes de parole. 
TÉMOIGNAGE

La fille de Gabrielle a 29 ans et est dépendante au crack. Gabrielle se sent responsable de la situation de sa fille et n'arrive pas à l'en sortir. En octobre dernier, elle avait contacté Olivier Delacroix pour raconter sa solitude et son impuissance face à la situation, il lui avait conseillé de se tourner vers des groupes de parole. Gabrielle a suivi ce conseil mais n'a pas trouvé l'aide espérée. Dans la Libre antenne, elle fait part de son inquiétude depuis que l'ancien petit ami américain de sa fille, un homme deux fois plus âgé qui l'avait rendue dépendante au crack, est de retour en France et cherche à récupérer la garde de leur enfant. 

"J’ai l’impression d’être dans le pire des cas, ma fille a souffert depuis le début de sa vie. On a forcément raté quelque chose : nous l’avons adoptée, son père et moi, et nous nous sommes séparés immédiatement après, elle avait à peine deux ans. Donc elle a vécu dans le drame permanent. C’est notre faute, c’est notre responsabilité en tout cas.

J’ai fait des recherches assez peu fructueuses, je n’ai trouvé quasiment que des groupes qui s’adressent à des addicts pour les aider et pas vraiment à leur proches. J’ai trouvé un groupe à l'hôpital Marmottan (à Paris, ndlr) pour les familles d’addicts. Je ne m’y suis pas du tout sentie à ma place parce que c’était surtout des parents d’addicts aux jeux vidéo, ce n'était pas ma vie.

J’ai fini par trouver un groupe qui s’appelle les Nar-anon, narcotiques anonymes, sur le modèle des alcooliques anonymes, qui s’adresse aux proches de gens addicts. J’ai trouvé ça très intéressant, il y a une vraie méthode écrite, l’échange est structuré. On commence par assimiler que l'addict a une maladie, mais quand on a compris ça, on peut pas juste lui dire 'quand est-ce que tu arrêtes ?', on ne pourrait pas dire ça à un diabétique. Le problème, c’est que les personnes addictes provoquent beaucoup, elle manipulent, elles font culpabiliser, mais il ne faut pas rentrer là-dedans.

Entendu sur europe1 :
Je me sens complètement seule, malgré ma volonté d’échanger

Ce qui me gène avec cette structure, c’est qu’elle est d’obédience chrétienne, et on nous parle toujours de la ‘superpuissance qui nous sauvera'. Il n’y a pas de prosélytisme du tout, mais moi j’ai beau avoir dit que j’étais athée, on nous conseille de croire que la superpuissance c’est votre volonté, votre puissance personnelle, mais il y a quand même un cadre très religieux. Je sais que c’est surtout un cadre spirituel, mais ça me choque. j’ai été élevée avec Dieu, mon père a été très malade. Etant enfant j’ai fait des paris avec Dieu, avec Satan, mais ils m’ont tous les deux déçu, mon père n’a jamais été guéri et j’ai décidé que mieux valait compter sur ses propres forces que sur celle d’une hypothétique entité. 

C’est pour ça que, quand d’autres gens me parlent, je sais bien que tout le monde a son cas de figure. Mais j’ai du mal à adhérer, à m’y reconnaître. J’ai pu témoigner, j’ai acheté toute leur littérature, je me suis dit que j’y retournerai, et je n’ai pas pu, parce que moi je me sens complètement seule, malgré ma volonté d’échanger.

Involontairement, je me suis totalement désocialisée. Quand je vois des gens, soit j’ai envie de leur dire que c’est dur, soit je ne peux pas parce que je me dis que je le les lasse. C’est rabat-joie en soirée, du coup j’ai arrêté d'y aller.

Entendu sur europe1 :
Ma fille m’a dit 'dans deux ans je ne serais peut être pas là'

Et ma fille, elle plonge de plus en plus, elle fait un enfant qui aggrave le cas. Nous on est responsables d’une autre petite vie, dont nous nous occupons et que nous élevons. Elle ne veut pas se sortir de là, elle dit 'c’est mon choix de vie'. Je lui ait demandé si elle savait où ça mène, elle m’a dit 'oui je sais’. Elle m’a parlé d’une échéance par rapport à son enfant, 'dans deux ans je ne serais peut être pas là'. Elle est consciente de tout ça, c’est sa volonté. Elle n'est pas explicitement suicidaire, mais en même temps elle a une vie d’autodestruction très consciencieuse.

Elle ne s’occupe pas de sa fille, elle vit avec son chat. Notre petite-fille a été dans un premier temps chez moi, maintenant elle est chez son grand-père, mon ex-mari, et ça se passe très bien, mais c’est une bombe à retardement.

Entendu sur europe1 :
Son père coupe notre petite fille de ses bases

Le père, plutôt le géniteur américain, a déboulé il y a deux ans en disant 'je passais dans le coin'. D’un coup il disait 'mon enfant, comme il est beau, comme il me ressemble', et maintenant il veut le prendre. Mais c’est un activiste de la drogue, un dealer. Il a lancé des procédures contre elle pour récupérer l’enfant, c’est pas difficile vu l’état dans lequel elle est. 

Nous l’avons éduqué cette enfant, elle a ses repères ici et pour rien au monde on ne le laisserait l’emmener là-bas. Le juge a déjà décidé d’une interdiction de sortie de territoire et d’un droit de visite et de garde, un week-end sur deux et la moitié des vacances. Mais son père la coupe de ses bases, en lui disant 'il faut que tu changes ton nom, tu ne dois plus utiliser le nom de ta mère’. En tout cas il essaye.

Mon ex-mari assure au niveau des avocats, c’est quelqu’un d’un peu autoritaire et manipulateur aussi, mais il est très bon pour activer une procédure de façon à la gagner. Sauf qu'il est très malade et on ne sait pas combien de temps il sera encore là. 

Entendu sur europe1 :
Je ne peux pas la sauver, il n’y a qu’elle qui peut

Ma petite-fille a 6 ans et elle a un problème de loyauté entre son père et ses grands-parents. Il travaille, il fait des traductions, pour ce qu’on en sait, mais surtout il continue à dealer. En revenant en France, il a remis ma fille au crack alors qu’elle avait un tout petit peu diminué, elle s’était resocialisée, elle a eu un boulot pendant un an et demi. Il est plus fort qu'elle. Plus fort dans sa tête et dans son corps et peut être moins cassé, moins désespéré. 

Je ne peux pas la sauver, il n’y a qu’elle qui peut, mais il faut qu’elle en ait la volonté. Il faut que j’arrive pour moi, et pour elle, à me détacher, à ne pas lier mon sort au sien. Avec la petite c’est doublé et même prolongé dans le futur, ça ne s’arrêtera jamais."