Gwenola Joly-Coz est présidente du tribunal de grande instance de Pontoise.
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Pierre de Vilno avec
Pour lutter contre le fléau des féminicides, Gwenola Joly-Coz, présidente du tribunal de grande instance de Pontoise, propose d'expérimenter un nouveau dispositif anti-rapprochement, qu'elle a présenté mardi au micro de Pierre de Vilno. 

Deux femmes ont été tuées le week-end dernier dans la région Grand-Est, l'une par son conjoint, l'autre par son ex-compagnon. Ces meurtres portent à 48 le nombre de féminicides commis en France depuis le début de l'année 2019. Pour lutter contre ce fléau, Gwenola Joly-Coz, présidente du tribunal de grande instance de Pontoise, propose avec le procureur Eric Corbaux, d'expérimenter un nouveau dispositif, qu'elle a présenté mardi matin au micro de Pierre de Vilno sur Europe 1. 

Protéger les victimes

"Le système a l'habitude de sanctionner, de condamner les auteurs de violence, mais moins de protéger les victimes, c'est plus compliqué", constate la magistrate. C'est dans cette perspective qu'elle propose d'expérimenter dans sa juridiction un dispositif anti-rapprochement.

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"Le principe est de permettre à l'auteur et à la victime de porter un outil de géolocalisation, semblable à un bracelet électronique, afin de leur signaler, à l'un comme à l'autre, qu'ils sont dans un même périmètre", explique-t-elle. Le port de ce bracelet serait proposé pour des hommes ayant déjà été condamné pour des faits de violences, et qui seraient en situation de menacer la victime en récidive. Il serait décidé "pour une durée qui sera sous le contrôle du juge, par exemple six ou douze mois, au regard de ce que l'on observe comme le temps qui sépare la menace de l'action physique", précise Gwenola Joly-Coz.

"On a vu des femmes mourir avec le téléphone grand danger dans la poche"

Un moyen de compléter l'action du "téléphone grand danger", permettant aux femmes victimes de violences d'alerter les forces de l'ordre en appuyant sur un seul bouton. "Le t'éléphone grand danger' est déjà en application en France depuis une dizaine d'années", explique la magistrate. Il est efficace, mais pas suffisant. "Pour que le 'téléphone grand danger' fonctionne, il faut avoir l'agresseur en face de soi", précise-t-elle. "On a vu des femmes mourir avec le 'téléphone grand danger' dans la poche". 

Le dispositif anti-rapprochement a déjà fait ses preuves à l'étranger. "L'Espagne est leader sur ce sujet, et a montré à quel point c'était efficace, puisque le nombre de femmes tuées a considérablement baissé" depuis l'entrée en vigueur de la mesure, indique Gwenola Joly-Coz. 

"Travailler sur cette période de la crainte"

En France, la loi permet a priori d'essayer le dispositif, en cours d'expertise juridique, et le TGI de Pontoise demande a pouvoir l'expérimenter dans le Val d'Oise. "Ce sera tout un éco-système", souligne la présidente. "Il impliquera bien sûr le tribunal, mais aussi la gendarmerie, la police, et l'entreprise qui permet que tout cela fonctionne", précise-t-elle. La garde des Sceaux Nicole Belloubet s'est d'ailleurs déplacée au TGI de Pontoise le 28 mars. "Elle se montre tout à fait intéressée par le dispositif et je pense que comme elle l'a dit la Chancellerie va revenir vers nous rapidement", assure Gwenola Joly-Coz. 

"Il s'agit de réfléchir à la liberté de la femme de ne pas vivre dans un climat de terreur", argumente-t-elle. "Les violences faites aux femmes, c'est un système, une mécanique qui se met en place : l'emprise, la menace, très souvent la menace de mort. Il faut travailler sur cette période de la crainte, de la peur, de l'inquiétude des femmes", insiste-t-elle. "Nous savons comment condamner avec force les assassinats de femmes par les hommes. Ce qui nous manque c'est de savoir les protéger dans le temps de la crainte, dans le temps de l'inquiétude".