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A.D
Invité d'Europe 1, le juriste Antoine Lyon-Caen a analysé ce que seront, d'après lui, les orientations de la réforme du droit du travail pilotée par Emmanuel Macron.
INTERVIEW

La "saison 2" de la réforme du travail peut-elle avoir une fin moins houleuse que la loi El Khomri ? L'année dernière, la réforme du code du travail n'en finissait plus de pousser les syndicats dans la rue. Le nouveau gouvernement a pourtant fait de cette nouvelle réforme le chantier phare de cet été. Antoine Lyon-Caen, juriste et membre du comité Badinter, qui avait remis au gouvernement le rapport sur le code du travail en 2016 était l'invité de l'émission C'est arrivé cette semaine. Il décrypte ce qu'il pense être la philosophie d'Emmanuel Macron sur le droit du travail.

"Des droits attachés à la personne, pas à l'emploi". Si le président se lance moins d'un an après la loi El Khomri, c'est qu'il "a la conviction qu'il faut faire ça maintenant. C'est très difficile d'aborder ces questions en cours de mandat, lorsque déjà des mécontentements se sont exprimés", indique le spécialiste. Les syndicats ont d'ailleurs d'ores et déjà été reçus par Emmanuel Macron. Le Premier ministre en fera bientôt de même.

Le juriste voit deux grands buts dans ce projet Macron mené tambour battant : le premier "est de libérer le travail. On s’intéresse autant au travailleur salarié qu'à l'indépendant. On veut faire un droit du travail avec des droits attachés à la personne et pas attachés à l'emploi lui-même. Le maître mot, c'est mobilité", afin de permettre de changer voire de pousser à changer d'activité. 

Une nouvelle vision du travailleur. "Le travailleur dont il rêve est émancipé, c'est quelqu'un qui choisit ce qu'il fait, qui choisit de changer de métier, quelquefois qui est obligé d'en changer mais qui sait rebondir, qui choisit de s'arrêter puis de reprendre. Il a une philosophie très individualiste du droit du travail. Le droit collectif joue dans la mesure où il aide l'émancipation mais il ne doit pas la contrarier."

Le second objectif du projet, de l'avis d'Antoine Lyon-Caen est "d'adapter la production des règles en droit du travail au contexte de la concurrence actuelle" avec l'idée "d'accentuer la négociation d'entreprise".

Un projet qui pourrait cliver. A l'inverse, les aspects de garantie, protection, sécurité sont relégués au second plan. Emmanuel Macron "parle la sécurité de la personne, pas de la sécurité de l'emploi", appuie le juriste, "d'où le compte personnel d'activité, d'où la retraite par points. Je pense que c'est profondément sa philosophie de l'existence." Une vision qui diffère de celle que le juriste avait exposé dans son rapport : "Il y a à encourager la plus grande liberté des individus mais il y a aussi à tenir compte de ce qui fait la productivité, l’organisation." Le projet Macron, "exaltation de la dynamique individuelle" devrait parler à la jeunesse", prophétise le juriste. "Pour toute une série de personnes ayant une éducation professionnelle élevée, c'est quelque chose qui a un écho. Ce sera plus difficile à admettre pour ceux qui ses sentent laissés-pour-compte d'un système économique extrêmement dur", conclut-il.