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Cédric Chasseur , modifié à
Invitée de la matinale d'Europe 1, un an jour pour jour après le drame de la rue d'Aubagne qui a fait huit morts à Marseille le 5 novembre 2018, Kaouther Ben Mohamed se révolte face à "l'abandon des quartiers populaires par les pouvoirs publics" et vise Jean-Claude Gaudin. "Nous en sommes encore à la gestion de l'urgence", dénonce la membre du collectif 5 novembre.
INTERVIEW

"Il ne faut pas les oublier". Un an après le drame qui a touché Marseille "en pleine cœur", la ville s'est arrêtée le temps de huit minutes de silence, en mémoire des huit victimes de la rue d'Aubagne. "J'ai l'impression que c'était hier", se souvient sur Europe 1, Kaouther Ben Mohamed, fondatrice de l'association Marseille en colère. "La douleur, les cauchemars sont encore quotidiens. Personne ne réalise vraiment ce qui nous est arrivé".

Le traumatisme des habitants

Si Kaouther Ben Mohamed s'est engagée au sein de cette association, c'est pour sa grand-tante de 88 ans, délogée par la chute de ces deux immeubles. "Elle n'est plus à l’hôtel parce que nous l'avons relogée à nos frais", mais "elle va super mal" explique-t-elle. "Elle est tellement désorientée qu'elle a dû retourner se reposer auprès des siens en Tunisie". Un exemple parmi d'autre du traumatisme qui a touché les habitants du quartier de Noailles à Marseille. "Personne ne comprend aujourd'hui que l'on puisse mourir dans son logement", s'exclame Kaouther Ben Mohamed. En arrivant sur les lieux, le 5 novembre 2018, elle pensait faire face aux conséquences d'un attentat. "Dans l’inconscient collectif, c'est le résultat d'une bombe, pas de la vétusté" d'immeubles. 

4.000 foyers toujours délogés

Elle pointe du doigt "l'abandon des quartiers populaires par les pouvoirs publics", et notamment le travail Jean-Claude Gaudin. Un an après, 4.000 foyers sont toujours délogés. "Nous sommes encore à la gestion de l'urgence", déplore Kaouther Ben Mohamed, très remontée contre le maire de Marseille, qui de son côté estime que la crise de la rue d'Aubagne "est résorbée". Ces personnes sont dans "des logements temporaires, dans un bail précaire", s’insurge-t-elle, "elles n'ont toujours pas de visibilité sur ce que va être leur avenir". La militante associative se demande si ces familles pourront réintégrer leurs domiciles, et dans quelles conditions". Mais ce qu'elle sait déjà, c'est que si ces foyers ne retrouvent pas leurs logements, ils habiteront "dans un quartier qu'ils n'auront pas choisi".

Alors "au vue de son comportement" depuis l'effondrement de ces deux immeubles, Jean-Claude Gaudin, absent des hommages rendus mardi à Marseille, "ne peut pas manquer", souffle Kaouther Ben Mohamed. "La temporalité de Monsieur Gaudin et des pouvoirs publics n'est pas celle des personnes directement concernées", peste-t-elle. Pour la fondatrice de l'association Marseille en colère, "les 600 millions d'euros débloqués équivaut à six centimes dans la crise marseillaise". "Tant qu'il n'y aura pas des milliards d'euros sur la table, on ne pourra faire que de l'urgence", estime Kaouther Ben Mohamed, qui craint que Marseille "soit parti pour 30 ans" de galère.