Dorine Bourneton, pilote paraplégique : "Mon combat a servi à des dizaines de pilotes handicapés"

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Guillaume Perrodeau
Chez Christophe Hondelatte, Dorine Bourneton revient sur son parcours. Accidentée à l'âge de 16 ans, elle a su faire face pour poursuivre son rêve : voler.

Il est des parcours de vie qui forgent le respect. Comme celui de Dorine Bourneton. À 16 ans, un avion Piper, où elle est passagère, s’écrase au sol. Les séquelles sont terribles pour la jeune fille qui se retrouve paraplégique, ce qui ne l'empêchera pas de poursuivre son rêve de pilote. Chez Christophe Hondelatte mercredi, elle revient sur cet itinéraire de vie.

Passionnée d'aviation comme son père. Le père de Dorine Bourneton, Jean-Paul, est un passionné d'aviation. À la maison, la bibliothèque déborde de livres sur le vol et le pilotage. Alors forcément, Dorine attrape le virus. "Je ne serais jamais devenue pilote sans ce père-là", confie-t-elle au micro d'Europe 1. "À travers l'aviation, je me disais que j'allais pouvoir vivre cette vie d'aventure dont je rêvais." Dès ses 15 ans, elle s'inscrit à un aéro-club d'Auvergne dans le Centre de la France. Un an plus tard, avec son club, elle va visiter la base canadair de Marignane. Elle s’y rend en avion, évidemment. Dorine monte dans un Piper, avec trois autres personnes. Pendant le trajet, l'avion s'enfonce dans un énorme nuage noir. Dorine sent l'avion qui perd de l'altitude, les pilotes paniquent, le Piper frappe la cime des arbres puis s'écrase. Terrible.

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Survivante mais paraplégique. Dorine Bourneton est la seule survivante. Dans la carcasse de l'avion, les heures passent. Elle crie, elle hurle, mais personne ne vient la chercher. Finalement, les secours arrivent après douze heures. Dorine est rapatriée vers l'hôpital du Puy-en-Velay. Lorsque le chirurgien vient voir les parents, le diagnostic est terrible : Dorine a un gros hématome au bas de sa colonne vertébrale, qui compresse les terminaisons nerveuses de sa moelle épinière. Elle ne remarchera pas. Dorine est paraplégique.

Ses parents n'osent pas le lui dire. C'est finalement sa kiné qui lui fait comprendre, un jour, lors d'une séance, que ses jambes ne bougeront plus. Assommée par l'annonce, en colère, Dorine Bourneton n'en demeure pas moins combattante et, dès le lendemain, elle reprend les séances de kiné et la musculation.

"Mon corps se souvient toujours de l'accident". En 1993, son histoire paraît dans une revue aéronautique. Quelques jours plus tard, chez elle, elle reçoit une lettre du président des aviateurs invalides de l'aéro-club de Toulouse. Il lui explique qu'il a des avions à commandes manuelles et que, si elle le souhaite, elle peut revoler. Dorine se lance. Elle doit tout réapprendre. Pendant des mois, elle va s’entraîner. Son but ? Passer son brevet de pilote amateur, puis devenir instructrice professionnelle. "Mon corps se souvient toujours de l'accident. Avant de voler, j’ai toujours une appréhension. Tout bon pilote a cette petite peur, mais chez moi, elle est amplifiée", explique Dorine Bourneton.

En avril 1995, elle a 20 ans et décroche ce fameux brevet. Première victoire. Mais Dorine Bourneton refuse de s'arrêter là. Elle veut toujours devenir pilote professionnelle, mais problème, c'est interdit aux personnes handicapées. Débute alors un long combat, de plusieurs années, pour faire infléchir cette règle. Dorine Bourneton fait parler d'elle, de son histoire, trouve des alliés, tente de faire bouger les choses.

Finalement, en novembre 2003, alors que la profession était restée inflexible jusque-là, le Secrétaire d'État chargé des Transports de l'époque, Dominique Bussereau, signe un arrêté ministériel qui ouvre la licence de pilote professionnel aux personnes handicapées. Pour autant, Dorine Bourneton n'est pas devenue pilote professionnelle. "J’ai renoncé, parce que j’ai arrêté mes études très jeune et que je n’ai pas réussi à rattraper le niveau en mathématiques", indique-t-elle, "mais mon combat a servi à des dizaines de pilotes handicapés". Aujourd'hui, Dorine Bourneton, âgée de 44 ans, s'est lancée dans la voltige. "Cela correspond plus à mon tempérament. En voltige, on n'a pas besoin d'étudier pendant des heures des bouquins", souligne-t-elle. Et elle est aujourd'hui la seule femme paraplégique pilote de voltige aérienne.