Devoirs à la maison pour les écoliers : interdits et inutiles, mais…

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et Virginie Salmen , modifié à
AVERTISSEMENT - Demander un travail écrit à la maison à des élèves en primaire est contre-productif et illégal. Mais les traditions ont la vie dure. 

Officiellement, ils ne devraient plus exister depuis 1956 ! Quel élève de primaire, pourtant, n'est jamais revenu de l'école avec un devoir écrit à faire à la maison ? C'est que, si les textes sont clairs, certains enseignants, souvent encouragés les parents d'élève, ont du mal à se défaire de cette vieille tradition. A tort : les études prouvent que les devoirs à la maison n'améliorent pas les performances des écoliers.

Mise au point  sur un débat vieux de 60 ans et toujours autant d'actualité : pour l'Education nationale, la réforme des rythmes scolaires est, en effet, l’occasion d’enfin rendre effective l'interdiction des devoirs écrits à la maison.

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Ce que dit la loi. La circulaire du 29 décembre 1956 est sans ambiguïté : "aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves hors de la classe", en primaire. A l'époque, déjà, "l'intérêt éducatif limité" des devoirs écrits à la maison était pointé du doigt.

L'esprit de ce texte est relayé sur de nombreux sites officiels : "il est interdit de donner à faire à des élèves un travail écrit à la maison", peut-on ainsi lire sur service-public.fr, qui rappelle que rien n'empêche, en revanche, un enseignant de donner un travail oral (lecture ou recherche par exemple) ou des leçons à apprendre à la maison.

Un rappel que relaient régulièrement certaines académies, comme l'académie du Nord qui, en 2006, a diffusé auprès de ses inspecteurs un document à l'intitulé explicite : "Devoirs à la maison : 50 ans de travail au noir". On pouvait notamment y trouver "7 types d'arguments contre les devoirs à la maison".

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Ce que disent les études. En 2012, des universitaires australiens ont mené une étude sur l'intérêt des devoirs à la maison pour les élèves du primaire jusqu'aux étudiants à l'université. Verdict : plus les élèves sont en bas âge, moins les bénéfices des devoirs à la maison se font sentir.

L'enquête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), menée chaque année par l'OCDE depuis 2000, ne porte, elle, que sur les plus de 15 ans, les collégiens et les lycéens, donc. Mais, même à partir de cet âge, l'étude a montré que les pays où les élèves ont davantage de devoirs à faire à la maison n’enregistrent pas pas de meilleurs performances sur le plan scolaire que les autres. Surtout, l'étude PISA a pointé les inégalités engendrées par un système éducatif où les élèves ont trop de devoirs. "Aucun devoir à la maison ne peut faire mieux qu'un suivi individualisé des élèves en difficulté au sein de l'établissement scolaire", estime Eric Charbonnier, analyste à la direction de l'Education de l'OCDE, joint par Europe 1. 

Rentrée

L'avis d'une enseignante. Delphine, qui enseigne en CM1 à Asnières, en région parisienne, est une de ces institutrices qui n'a jamais donné de devoirs à ses élèves. "Tous les enfants n'ont pas tous leurs parents à la maison pour les aider", a-t-elle expliqué à Europe1. "On fait tout en classe pour que ce ne soit pas nécessaire de donner des devoirs écrits à la maison, donc ils n'ont pas besoin de faire des choses en plus après l'école", a-t-elle précisé.

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L'avis du sociologue. Le sociologue Patrick Rayou, auteur de l'ouvrage l'ouvrage "Faire ses devoirs", affirme que les instituteurs comme Delphine ont raison. "Même s'ils sont minoritaires, ce sont eux qui sont dans la loi", a-t-il dit au micro d'Europe 1. A ses yeux, "des séquences de classe au cours desquelles les élèves apprennent et s'exercent suffisent largement pour les apprentissages fondamentaux en primaire".

L'avis de la spécialiste éducation. Virginie Salmen, spécialiste des questions d'éducation à Europe 1 rappelle aussi que les devoirs écrits peuvent être contre-productifs : par exemple, si vous commencez à essayer de faire faire à votre fils une multiplication avec votre méthode des années 80 alors que son instit lui a appris autrement, il risque de ne plus rien comprendre et de tout mélanger. Après, rien n'interdit, bien sûr, de relire tranquillement la leçon du jour à la maison le soir…