Des salariés de Sanofi géolocalisés : "qu'est-ce qu'on va faire de ces données ?"

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C. Bl , modifié à
Sanofi a fait installer des puces sur les badges de 3.000 salariés pour les localiser dans l'entreprise. Une utilisation de la technologie qui pose question pour Jean-Claude Delgènes, spécialiste en prévention des risques professionnels.
INTERVIEW

Suivre ses salariés à la trace grâce à des puces électroniques. L'entreprise Sanofi a décidé de distribuer ces puces aux salariés de son site de Gentilly afin de "mesurer l'utilisation des espaces". Une utilisation de la technologie qui ne plaît pas aux salariés et qui pose question selon Jean-CLaude Delgènes, directeur général de Technologia, un cabinet spécialisé en évaluation et en prévention des risques professionnels et de l'environnement. "Au-delà de ce dossier qui illustre une généralisation dans toutes les entreprises des moyens électroniques pour optimiser leur activité se pose la question de savoir ce qu'on va faire de ces données", s'interroge l'expert sur Europe 1.

Des logiques qui peuvent être vertueuses. Ces techniques peuvent être motivées par de bonnes intentions de l'employeur reconnaît Jean-Claude Delgènes. Il peut y avoir une logique de sécurité, "on équipe par exemple les travailleurs isolés pour leur porter assistance". Il peut aussi s'agir d'assurer la traçabilité en cours de livraison. La volonté d'optimiser le fonctionnement de l'entreprise peut encore être derrière cette surveillance électronique. "Dans le domaine de l'aviation, il y a des systèmes qui se mettent en place pour superviser tous les gestes déployés par les commandants de bord pour pouvoir voir l'altitude, s'ils ont fait des détours... ça permet de suivre la consommation de carburant."

Surveiller pour promouvoir ou sanctionner ? Mais le risque d'une trop grande surveillance n'est jamais loin. "C'est légitime mais après qu'est-ce qu'on fait de ces données ? Est-ce qu'on va promouvoir les bons pilotes ? Est-ce qu'on va les utiliser à d'autres fins ?", s'interroge Jean-Claude Delgènes. 

"Il doit y avoir un vrai dialogue social". Pour lui, les salariés se retrouvent "dans une fausse autonomie, sans aucune latitude décisionnelle". Avec le développement des technologies, "n'importe quel portable permet de suivre, d'espionner les gens", constate-t-il. Outre l'autorisation de mettre en place ces technologies par la CNIL, il préconise la transparence. "Il y doit y avoir une concertation avec des salariés, avec le CHSCT. Il doit y avoir un vrai travail de dialogue social pour expliquer et s'engager sur l'utilisation de ces données".