Avortement : les sages-femmes répondent aux gynécologues

Sage-femme
© DIDIER PALLAGES / AFP
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G.S.
Les gynécologues sont opposés à la possibilité donnée aux sages-femmes de pratiquer un avortement médicamenteux et de délivrer des arrêts de travail.

Depuis le 5 juin dernier, les sages-femmes sont autorisées à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse (IVG) médicamenteuses. Elles peuvent, également, délivrer des arrêts de travail aux femmes qui souhaiteraient avorter, de quatre jours renouvelables, le jour de l'intervention ou les jours d'après. Comme nous l'expliquions dans cette article, ces mesures, entrées en vigueur dans le cadre de la loi de modernisation du système de santé, ont provoqué l'ire de certains gynécologues, qui y voient un risque pour les patients et… une atteinte à l'égalité hommes-femmes. Six organisations de gynécologues en ont remis une couche mardi dans un communiqué, dénonçant des mesures "qui nuisent à la surveillance médicale des femmes". Les sages-femmes ont décidé de rétorquer.

Ce que reprochent les gynécologues à ces mesures. Selon ces médecins spécialisés, ces mesures mettent les gynécologues en retrait, et cela n'est pas sans risque pour les patientes. Selon eux, un arrêt de travail doit être corrélé à une pathologie. Or, c'est aux médecins – et dans ce cas-là, aux gynécologues – de dire si la patiente doit bénéficier ou non d'un d'arrêt de travail, et non aux sages-femmes. Les nouvelles mesure suggèrent que "consulter une sage-femme est identique en termes d’accès aux soins à consulter un médecin, alors que les niveaux de formation et de compétence sont loin d’être les mêmes", dénoncent les organisations professionnelles des gynécos mardi. Elles fustigent encore un arsenal législatif qui risque de "retarder le diagnostic et la mise en place de traitement adéquat", en cas de complication après un avortement.

"Ce décret (celui sur les arrêts de travail, ndlr) apparaît comme les prémices d’une médecine pleinement exercée par une profession qui ne l’a jamais apprise, avec les risques que cela comporte pour les patientes", s'agaçait déjà, il y a dix jours, le Syngof, l'un des principaux syndicats de gynécologues, sur son site internet. Dans un post Facebook du 15 juin, la gynécologue Elisabeth Paganelli, secrétaire générale du Syngof, invoquait même l'argument de l'égalité hommes-femmes. "Si on considère que la femme est l'égale de l'homme au sein du travail et qu'elle puisse enfin être payée comme l'homme et avec égalité, il faut que les professionnels de santé évitent les arrêts de travail injustifiés à leurs patientes", avançait-elle.

La réponse des sages-femmes. "Le Conseil est profondément attristé par le communiqué de presse publié ce jour par les instances de gynécologues médicaux et obstétriciens", a réagi le Conseil de l'Ordre des sages-femmes, mardi. "Par leur formation et leurs nouvelles compétences, les sages-femmes contribuent à l’offre de soins, notamment par un accès renforcé à l’IVG", renchérit l'organisation. Et d'asséner : "Nos deux professions se complètent et doivent s’entendre au service de la santé des femmes. Ces propos corporatistes et anti-déontologiques renvoient une image délétère de l’organisation de la périnatalité et de la santé génésique des femmes".

Citée jeudi par Le Monde, Josée Keller, présidente du Conseil, parle même de propos "proches de la diffamation". "On n’a jamais dit qu’on allait prescrire systématiquement quatre jours d’arrêt de travail", poursuit-elle. "On sait où sont nos limites et on sait aussi adresser au médecin quand un cas devient pathologique", renchérit Elisabeth Tarraga, secrétaire générale de l’Organisation nationale syndicale de sages-femmes (ONSSF), également citée par le quotidien du soir. Les sages-femmes rappellent par ailleurs que "sur le terrain, avec les médecins, cela se passe bien", dénonçant le "corporatisme primaire" des instances professionnelles. Elle souligne également que les sages-femmes sont déjà habilitées à prescrire jusqu'à 15 jours d'arrêts de travail préventif pour les femmes enceintes.

"En formation initiale, les sages-femmes ont plus d’heures de gynécologie que les médecins !", martelait pour sa part Chantal Birman, de l'Union nationale et syndicale des sages-femmes (UNSS), citée le 21 juin par Libération. Et de renchérir : "les sages-femmes connaissent les femmes, leurs ambiguïtés, elles ne sont pas dans des logiques de pouvoir, de hiérarchies. A chaque nouvelle compétence acquise, on se rend compte que les femmes sont mieux traitées, plus écoutées".