Au tribunal de Bobigny, "des services sont obligés de s'acheter leurs propres fournitures"

Tribunal de Bobigny 1280 GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
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Justin Morin, édité par A.H.
La ministre de la Justice se rend jeudi au tribunal de Bobigny, l'un des plus importants de France en volume d'affaires traitées, mais aussi l'un de ceux qui manquent le plus cruellement de moyens.
L'ENQUÊTE DU 8H

Bienvenue au tribunal de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, impressionnant bâtiment à la structure métallique bleu. On y accède par la salle des pas-perdus, un grand espace de béton au plafond de verre où les voix résonnent… Sauf qu'ici, les jours de pluie, le plafond fuit. Il y a un mois, des seaux et des bâches ont été installés pour limiter l'inondation.

"Obligés d'acheter leurs propres fournitures". Le constat est unanime : le palais, construit dans les années 70, vieillit mal. Entre les chauffages défectueux dans les bureaux, les coupures de courant fréquentes, et surtout le manque de place pour ranger les piles de procédures qui traînent, la situation est devenue infernale pour cette greffière, qui tient à garder l'anonymat. "Dans certains services, ils sont obligés de s'acheter leurs propres fournitures, leur propre papier toilette… Quand on est confrontés à des problèmes matériels et que cela influe sur les justiciables, ce n'est pas normal", dénonce-t-elle.

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Dans certains services, ils sont obligés de s'acheter leur propre papier toilette…

Une gastro et la machine s'enraye. Les problèmes matériels sont assortis de problèmes humains. Le tribunal de Bobigny compte 130 juges, mais il en faudrait 135 pour un fonctionnement normal. Mais selon les professionnels, ce chiffre est sous-estimé par le logiciel du ministère. Au greffe du tribunal, il manque près de 40 personnes, sans compter les arrêts maladies. Parfois, il suffit d'une gastro pour que la machine s'enraye, assure un magistrat. Résultat : la justice fonctionne au ralenti. "J'assiste une victime qui a été dans des faits particulièrement graves, et ça fait quatre ans qu'on attend une date d'audience. Ça fatigue les gens, ils ne comprennent pas les difficultés que le tribunal peut avoir", constate amèrement Quentin Deuquimpe, avocat pénaliste inscrit au barreau de Seine-Saint-Denis. Début octobre, l'Etat a même été condamné pour déni de justice en Seine-Saint-Denis pour des délais anormaux aux affaires familiales.

Des efforts financiers encore attendus. Alors pourquoi le tribunal de Bobigny est-il particulièrement en difficulté ? D'abord parce qu'il fait face à une demande croissante d'affaires à traiter. Mais aussi parce que les candidats pour y travailler ne se bousculent pas. Seule solution pour faire face aux difficultés : la solidarité entre tous les professionnels qui rendent la justice. Des efforts financiers ont également été réalisés depuis le début de l'année. Aux affaires familiales par exemple, le temps d'attente pour un divorce a été divisé par quatre. Les autres secteurs, eux, attendent encore des renforts.