Attentats : "La difficulté aujourd’hui, c’est qu’il n’y a plus de profil", affirme Alain Bauer

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A.H. , modifié à
Pour le criminologue Alain Bauer, les récents attentats, notamment commis sur le sol britannique, montre toute la complexité à appréhender les différents profils de terroristes.
INTERVIEW

L'attentat du pont de Westminster le 22 mars, celui de Manchester le 22 mai, celui de Londres samedi soir, ou encore celui de Notre-Dame de Paris, mardi. Ces attaques terroristes récentes ont été perpétrées par des individus aux profils très différents. 

Une multiplication des profils. "Quand vous regardez la réalité des attentats depuis 1989 - lorsque le terrorisme d’extrême-gauche a quasiment disparu avec la chute du mur de Berlin - vous avez actuellement un processus relativement simple, avec des opérateurs centralisés, envoyés par des groupes, et qui mènent des opérations comme l’IRA ou l’ETA d’antan. Vous avez aussi des opérateurs extrêmement décentralisés, et des gens dont personne ne sait rien, y compris Al Qaida ou l’Etat islamique, et qui disent ‘je le fais pour ça’, car la mode est plutôt au drapeau noir qu’au drapeau rouge", détaille Alain Bauer, professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, dans la matinale d'Europe 1, mercredi. "La difficulté aujourd’hui, c’est qu’il y a tellement de profils qu’il n’y a plus de profil", explique-t-il.

9% des attentats "évitables". Pour le spécialiste, si certains attentats ne peuvent être évités, une marge de manœuvre existe toutefois. "Depuis 1989, 90% des attentats n’ont pas eu lieu. Ils ont été démantelés par l’amateurisme ou l'imbécillité des auteurs, et par l’efficacité et la compétence des services. 10% des attentats ont eu lieu. Sur ces 10%, 1% nous aurait échappé de toutes façons, soit parce qu’ils étaient trop sophistiqués, soient parce que leurs auteurs étaient en-dessous du radar" et qu'ils menaient une action spontanée, précise Alain Bauer. Reste donc 9% des attentats qui auraient pu être "évités", ou au moins "perturbés". 

"Les services britanniques ont failli". Si dans le cas de l'attentat de Westminster, perpétré par un homme seul qui n'était pas connu pour des faits liés au terrorisme, rien n'aurait pu être fait pour prévenir l'attaque. En revanche, pour l'attentat-suicide commis à Manchester, à la sortie du concert de la chanteuse Ariana Grande, "les services ont failli", assène Alain Bauer. L'assaillant était issu d'un "réseau extrêmement structuré, avec beaucoup d’informations disponibles. On sent bien que les Britanniques ont un léger malaise pour expliquer comment ils ont pu louper à la fois la protection du site et le suivi d’un réseau aussi important", critique l'expert.

Une "task force" oui, un "empilement" des services non. Alain Bauer en est donc persuadé, "on peut faire beaucoup de choses pour réduire les 9%. Passer de 90% (d'attentats évités) à 99%, c’est possible". La "task force" que souhaite créer Emmanuel Macron pour coordonner les services de renseignement, pourrait aider à lutter plus efficacement contre le terrorisme. Pour Alain Bauer, si cette "task force" consiste à ajouter "une strate" à un "empilement déjà 'capharnaümesque'", "ça ne servira à rien". Sa création devrait être engagée dès mercredi, à l'issue d'un Conseil de Défense convoqué après l'agression d'un policier sur le parvis de Notre-Dame.