Affaire Sauvage : "La loi n'est pas faite pour prendre en compte les violences faites aux femmes"

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M.B. , modifié à
GRÂCE PRÉSIDENTIELLE - Marie Allibert, porte-parole d'Osez le féminisme, s'est dite lundi sur Europe 1 favorable à la reconnaissance d'une "légitime défense différée".
INTERVIEW

La grâce présidentielle partielle accordée par François Hollande à Jacqueline Sauvage, condamnée par deux fois à dix ans de prison pour l'assassinat de son mari violent et incestueux, ne fait pas l'unanimité. Pour certains, elle remet en cause l'autorité judiciaire. Pour d'autres, elle ne fait que pallier les insuffisances de la justice en matière de protection des femmes battues. C'est l'avis de Marie Allibert, porte-parole d'Osez le féminisme. "On est dans un cas de figure où une femme a été victime de sévices pendant 47 ans", a rappelé la jeune femme au micro d'Europe 1 lundi.

Légitime défense différée. Selon elle, la grâce présidentielle ne signifie pas que François Hollande pointe une erreur de la justice. "La justice ne s'est pas trompée mais la loi n'est pas faite pour prendre en compte les violences faites aux femmes", a-t-elle déclaré. "Rien n'est prévu dans la loi française pour reconnaître qu'une femme en situation d'abus et de violence peut être en légitime défense même si elle tire dans le dos de son mari." Marie Allibert prône donc la reconnaissance de la "légitime défense différée", qui existe déjà au Canada. En France, la légitime défense implique nécessairement une concomitance de la menace et de la réponse à cette menace. Une légitime défense différée permettrait d'écarter ce critère de concomitance. 

Une grâce "désinvolte". Une idée que Philippe Bilger, ancien magistrat, juge "dangereuse". Selon lui, la grâce présidentielle de François Hollande est "désinvolte". "Le président remet en cause l'autorité de la justice et deux jurys citoyens. Il cède à une pression médiatico-politique qui confond le singulier des cours d'assises avec la cause du féminisme", a-t-il regretté sur Europe 1. Le magistrat reconnaît néanmoins qu'avec une grâce présidentielle, "la culpabilité n'est pas effacée".