Une grève des juges sans précédent

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avec François Coulon et Mathieu Charrier , modifié à
Les audiences seront reportées dans la majorité des tribunaux français cette semaine.

Les rapports entre Nicolas Sarkozy et les magistrats, déjà difficiles, sont désormais plus que tendus. Des assemblées générales de magistrats sont prévues lundi dans de nombreuses juridictions (Marseille, Nice, Nancy, Metz, Coutances ou Caen), afin de voter des suspensions des audiences.

Selon les informations d'Europe 1, une cinquantaine de magistrats et de fonctionnaires de justice de Bordeaux, réunis en assemblée générale lundi, ont décidé de suspendre toutes les audiences non-urgentes, jusqu'à nouvel ordre.

Le chef de l’Etat avait fait déborder le vase de la contestation jeudi, en pointant les "dysfonctionnements graves" de la justice et de la police, brandissant des menaces de sanctions. Une petite phrase, en réaction à la mort de Laëtitia Perrais, qui a embrasé les tribunaux français.

Pour le juge Renault Van Ruymbeke, spécialisé dans les affaires financières, interviewé sur Europe 1 lundi, Nicolas Sarkozy a créé "une polémique déplacée et inadaptée", afin de "discréditer le travail des magistrats".

Le chef de l'Etat "surfe sur une vague de populisme", dénonce le juge :

Le mouvement a commencé à Nantes, là où s’est déroulée "l’affaire Laëtitia". Dès jeudi après-midi, la fronde s'est déclaré spontanément parmi les magistrats, au départ sans incitation syndicale. Les juges nantais ont voté, à l’unanimité moins une abstention, la suspension des audiences pour une semaine, à l’exception des urgences judiciaires.

"Un manque de moyens"

Pour Michelle Zenon, juge aux Affaires familiales et syndicaliste FO, "faire croire à la population que les magistrats sont responsables" de la mort de Laëtitia, c’est "de la démagogie". Le principal suspect du meurtre de la jeune fille de 18 ans est un récidiviste, Tony Meilhon. "On ne peut pas mettre un gendarme, un policier derrière chaque condamné", ajoute-t-elle.

La magistrate concède "un manque" dans le suivi judiciaire du suspect, mais cela est dû selon elle à "un manque de moyens". En effet, selon les informations d’Europe 1, le service de probation du tribunal nantais ne comptait en 2010 que 17 agents pour suivre les 3.300 sortants de prison. Tony Meilhon a donc fait partie des 800 dossiers déclarés non prioritaires, par manque de personnel.

"Une grève du zèle"

La contestation démarrée à Nantes a depuis fait tâche d’huile. Depuis vendredi, 16 juridictions font ce qu'ils appellent une "grève du zèle", c'est à dire qu'ils renvoient toutes les affaires non urgentes.

Le mouvement, par son ampleur et son inscription dans la durée, est inédit. Christophe Régnard, président de l’Union syndicale des magistrats (USM), estime que s’il y a "des dizaines de Tony Meilhon dans la nature sans suivi", c’est "Nicolas Sarkozy et le gouvernement" qui en sont "responsables".

Ecoutez-le :

Pour le moment l’Elysée n’a pas l'intention de faire marche arrière, et l’UMP soutient vaille que vaille le chef de l’Etat. Mais, face aux Français, jeudi sur TF1, Nicolas Sarkozy devrait se voir obligé d’affronter la polémique.