C'est une démarche juridique sans précédent. Teddy Valcy, un détenu de 33 ans, a déposé plainte mardi contre le garde des Sceaux, Michel Mercier. Il lui reproche de le maintenir depuis 16 mois à l'isolement sans raison valable.
Première procédure contre un garde des Sceaux
La Cour de justice de la République (CJR), seule juridiction habilitée à juger les membres du gouvernement, a confirmé le dépôt de cette plainte pour abus d'autorité, violences et traitements dégradants et inhumains. C'est la première procédure engagée contre un garde des Sceaux sur de tels fondements juridiques.
L'arrestation de Teddy Valcy remonte au 18 mai 2010. Le jeune homme avait alors été interpellé avec 13 personnes, parmi lesquelles l'islamiste Djamel Beghal, condamné à dix ans de prison pour avoir préparé des attentats en France. Deux juges d'instruction antiterroristes les soupçonnaient de vouloir faire évader Smain Aït Ali Belkacem, l'un des artificiers de la vague d'attentats de 1995 en France, condamné lui à perpétuité.
Prévenir "toute velléité d’évasion"
En 2010, Teddy Valcy est incarcéré à Fresnes. Connu de l'Administration pénitentiaire, il est immédiatement placé à l'isolement où il sera maintenu après son transfèrement à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. Pour l'Administration pénitentiaire, dont l'un des courriers est cité dans la plainte, c'est "l'unique moyen" de prévenir "toute velléité d'évasion".
Au bout d'un an d'isolement, le garde des Sceaux est saisi, comme le prévoit la loi. A deux reprises, en mai et août 2011, il décide de maintenir le détenu à l'isolement en raison notamment de sa mise en examen, qui concerne le projet présumé d'évasion de Belkacem. Le ministre met également en avant son évasion d'une prison en 1998 et une tentative remontant à 2000.
Le détenu a "un comportement irréprochable"
Pour Me Eddy Arneton, l'avocat de Teddy Valcy, ces deux prolongations sont toutefois illégales. En effet, rappelle-t-il dans sa plainte, une circulaire du ministère de la Justice datant de 2006 stipule que "la seule référence à l'appartenance au grand banditisme ou à un risque d'évasion non étayé est insuffisante" pour motiver des mesures d'isolement carcéral.
De plus, relève le défenseur, son client s'est fait remarquer par "un comportement irréprochable" en prison et le juge chargé de l'enquête a émis un avis défavorable à la prolongation de son isolement.
"Une provocation au suicide", selon l’avocat du détenu
Pour le conseil de Teddy Valcy, cet isolement prolongé, que le personnel soignant dénomme parfois "torture blanche", s'apparente à des "traitements inhumains et dégradants". L'avocat y voit même "une provocation au suicide".