Quand la chirurgie esthétique vire au massacre

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Frédéric Frangeul , modifié à
Un livre dénonce les conséquences parfois dramatiques de pratiques qui sont très peu encadrées.

Un constat alarmant. Elle voulait juste apparaître plus jeune et plus jolie. Nathéla, une femme de 38 ans, s’est réveillée un jour avec un visage digne d’Elephant Man, le héros défiguré de David Lynch. En cause, des injections administrées par une naturopathe afin d’effacer de petites rides naissantes. Pour les médecins, le verdict est sans appel : la jeune femme a contracté une granulomatose intense, une infection qui a provoqué un œdème géant. Désormais, elle doit suivre un traitement à vie. L’histoire de Nathéla, racontée par  François Malye et Jérôme Vincent, auteurs du Livre noir de la chirurgie esthétique, illustre les dérives de la chirurgie esthétique en France.

Comme Nathéla, Clara vit elle aussi un calvaire à la suite d'une opération. Il y a deux ans, elle a dû se faire retirer des prothèses mammaires après le scandale des implants PIP. Depuis, elle vit un véritable cauchemar. Elle s'est confiée à Europe 1.fr :

"J'ai compris après qu'il avait coupé le...par Europe1fr

Des risques de séquelles définitives. Selon une évaluation, il y aurait entre 700 et 7.000 effets secondaires graves chaque année en France liées à des interventions de chirurgie esthétique. "Cela donne par exemple des patientes qui se retrouvent avec des boursouflures sous la peau, des nodules et des sensations de tiraillements, voire des infections", explique le professeur Laurent Lantieri, mondialement connu pour ses greffes de visage, qui prend régulièrement en charge des victimes d’injections cosmétiques ratées. "Quand on fait des biopsies, on trouve généralement des particules de silicone qui ont été injectées souvent au moins deux ans auparavant. Ces opérations peuvent laisser des séquelles définitives", prévient le professeur Lantieri au micro d’Europe 1.

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Des produits peu contrôlés. En cause, les produits injectés dans la peau des patientes. Car, hormis le Botox qui a fait l’objet de d’essais cliniques, le flou demeure sur le contenu exact des 600.000 seringues utilisées chaque année pour la chirurgie esthétique. "Les produits de comblement sont essayés sur les patients qui sont utilisés comme des cobayes", déplore François Malye au micro d’Europe 1. "Il n’y a pas d’étude clinique sérieuse sur ces produits ni sur la majorité des procédés esthétiques", regrette le co-auteur du Livre noir de la chirurgie esthétique, dont l'hebdomadaire Le Point a publié cette semaine quelques extraits.

Des diplômes non reconnus. La formation des médecins esthétiques est également pointée du doigt. Car, en l’absence de formation spécifique et reconnue, les 3.000 médecins esthétiques répertoriés en France ont tous appris sur le tas. "Il n’y a pas de diplôme universitaire fiable de médecine esthétique en France. Si on veut faire des injections, le mieux est donc d’aller voir un dermatologue qui est lui un spécialiste de la peau", recommande François Malye.

Les risques du laser. Le laser, particulièrement employé dans le domaine de l’épilation, est le deuxième problème de la chirurgie esthétique, après celui des injections. En théorie, il ne doit être pratiqué que par un médecin mais, en réalité, ce sont bien souvent des "petites mains" qui assurent ces interventions. "C’est très dangereux", prévient François Malye, "car si vous faites du laser à une personne qui a une petite trace sur la peau et que vous n’identifiez pas un mélanome, cela peut être catastrophique".

Pourquoi un tel laxisme ? Les pouvoirs publics se sont jusqu’à présent peu intéressé à ces problèmes car la chirurgie esthétique n’est pas remboursée par la sécurité sociale et sort du champ de surveillance classique des autorités sanitaires. Par ailleurs, comme le souligne François Malye, "le lobby de la chirurgie esthétique est très bien introduit dans la classe politique et exerce un certain pouvoir". En octobre 2012, Nicolas Sarkozy lui-même affirmait qu’il ne considérait pas comme de la chirurgie esthétique le fait de se faire stimuler le collagène naturel par un laser".