Procès Heaulme : "mon style, c'est l'opinel et l'étranglement"

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Marie-Laure Combes, à la cour d'assises de Metz , modifié à
TEMPS FORTS - Retour sur l'audience de lundi dans le procès de Francis Heaulme pour le crime de Montigny-lès-Metz.

Il porte ses éternelles lunettes, un survêtement noir Adidas. Dans le box des accusés, Francis Heaulme, jugé pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz en 1986, ne semble pas vraiment comprendre tout ce qui se passe autour de lui. Après un coup de théâtre juste avant l'ouverture de l'audience, lundi matin, devant la cour d'assises de Metz, puis un bouleversement du programme d'audition des témoins, le président de la cour d'assises s'est plongé lundi après-midi dans la lecture des faits. Europe1.fr vous fait suivre les temps forts de l'audience.

14h30 - "La rue est calme. Elle appartient aux enfants." "Cela s'est passé un dimanche après-midi, le 28 septembre 1986. C'était un de ces dimanches ensoleillés que l'on apprécie en ces premiers jours d'automne", commence, dans un élan de lyrisme, le président de la cour d'assises. "Les enfants en profitent. Ils passent à vélo, cherchent des crapauds. Les adultes font leurs travaux d'automne", continue-t-il. "La rue est calme. Elle appartient aux enfants."

14h40 - La mère d'une victime en larmes. Le président décrit ensuite dans le détail comment les enfants ont été retrouvés sur la voie de chemin de fer en haut du talus. Une pierre de 5 kilos a notamment été découverte. Sur le sol, est retrouvée "une empreinte circulaire de la taille de la boite crânienne (de l'un des enfants), d'une profondeur de 8 cm". "La scène est horrible", écrit dans son rapport le gendarme qui a découvert les corps. La mère de Cyril ne parvient pas à retenir ses larmes pendant ce rappel.  

15 heures - Il tue "sans distinction de sexe ni d'âge". Le magistrat rappelle le passé judiciaire de Francis Heaulme, ses procès pour neuf meurtres, ses condamnations. "Plus de vingt expertises mentales de Heaulme ont été ordonnées. Elles notent une tendance à la mégalomanie, il se qualifie de 'serial killer le plus grand du 20eme siècle'", poursuit le président. "La souffrance des victimes et de leurs proches lui échappe, seul le nombre d’articles parus dans la presse lui importe." Selon les expertises, Heaulme tue "sans distinction de sexe ni d'âge". Il existe chez lui "quatre passages à l'acte : impulsif, délinquant, utilitaire dans le but d’obtenir bénéfice, ou pervers avec plaisir au delà du but recherché". Mais la difficulté est qu'il peuvent "se superposer, ce qui explique la difficulté à le cerner", notent les experts.

15h30 -  "Moi mon style c’est l’opinel et l’étranglement". Le président rappelle que Heaulme a avoué le double meurtre puis s'est rétracté. "Moi mon style c’est l’opinel et l’étranglement. Les enfants ont été tués à coup de pierre, ce n’est pas moi. Tuer deux enfants seul, c’est impossible", dit Heaulme aux enquêteurs. Puis le tueur en série accuse "un homme, rouge comme une tomate", qu'il dit avoir vu "descendre du talus". "Il m’a dit : 'j'ai fait une connerie', je lui ai demandé son nom 'il m’a dit Leclaire Henri'", affirme Heaulme. Puis il se rétracte encore et dit avoir inventé le nom de Leclaire. "Des fois je mens, des fois je dis la vérité", confie Heaulme aux gendarmes.

16h30 - La posture de Leclaire intrigue encore. Le président passe un très long moment sur les déclarations de Henri Leclaire dans le dossier : ses aveux détaillés puis ses rétractations. Il avoue d'abord avoir "utilisé une seule grosse pierre" pour frapper les enfants. Plus tard, Leclaire assure avoir passé l'après-midi chez lui, après avoir déjeuné au restaurant avec son père : "Je ne vous ai pas dit la vérité, je suis resté chez moi", dit-il.

17h20 - Des similitudes avec les autres meurtres. Le président détaille à présent depuis un long moment tous les éléments du dossier qui concernent Francis Heaulme. La chambre de l'instruction a notamment relevé les similitudes entre le double meurtre de Montigny et les autres crimes de Heaulme : la futilité des motifs - des cris qu’il ne supporte pas, pas de réponse à une question, la vue qu’il estime provocatrice d’une femme en maillot de bain), "il est évident qu’un jet de pierres, surtout sur son vélo, est un motif de mise à mort", lit le magistrat, l'extrême violence des crimes - Cyril et Alexandre ont été massacrés à coups de pierres, le petit Joris a été étranglé puis touché par 83 coups de tournevis - et le déshabillage partiel ou complet des victimes - Alexandre Beckrich avait le pantalon et le slip baissés.

18h. Heaulme atteint de Parkinson. L'audience reprend avec l'audition, par vidéoconférence, d'un médecin qui a examiné Francis Heaulme en novembre dernier pour confirmer qu'il est bien apte à comparaître devant les assises. Le Dr Raul revient sur les antécédents médicaux et rappelle que Heaulme a été hospitalisé près de 150 fois entre 1981 et 1992, date à laquelle il a été arrêté. La plupart du temps, en psychiatrie, précise-t-il. Le médecin ajoute encore que Francis Heaulme perçoit l'allocation d'adulte handicapé. Me Liliane Glock, après avoir demandé l'autorisation à son client de parler de son état de santé, précise que Francis Heaulme est atteint de la maladie de Parkinson. Pour le Dr Raul, les neuroleptiques prescrits à Heaulme en détention peuvent être à l'origine de ces symptômes.

19h30.  "J’ai été convaincu absolument de l’innocence de Dils". La cour entend le dernier témoin de la journée, François-Louis Coste, depuis plus d'une heure et demie. Ce magistrat désormais à la retraite fut l'avocat général au procès en révision de Patrick Dils. A l'époque, il avait requis l'acquittement. "J’ai été convaincu absolument de l’innocence de Dils, ce n’est pas une question de chose jugée mais de réalité incontournable", dit-il à la barre. Avec quelques notes sous les yeux, il raconte comment en parcourant le dossier, qu'il dit avoir récupéré "dans un désordre incroyable", il a essayé d'instiller du doute dans chaque détail.

L'ancien magistrat pointe du doigt toutes les faiblesses du dossier : "Varlet avait la conviction de la culpabilité de Dils et il lui fallait un scenario. C’est de la pure imagination, mais que se passe-t-il quand il y a un crime comme ça et qu’on ne trouve pas l’auteur ?", interroge-t-il. François-Louis Coste s'emporte notamment contre les circonstances dans lequelles Dils a avoué : "Il a été interrogé jusqu'à deux heures du matin par les enquêteurs. Je sais qu’à 16 ans on aime faire la fête, mais là ce n’était pas la fête. Je tiens cette façon de procéder pour déloyale", dénonce-t-il. Et pour l'ex magistrat, Dils a sans doute été guidé par les gendarmes : "Dils a le plan des lieux sous les yeux, établi par un inspecteur".

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A L'AUDIENCE - Coups de théâtre au procès Heaulme

REBONDISSEMENT - Francis Heaulme change d'avocat

PORTRAIT - Procès Heaulme : qui est Henri Leclaire ?

DÉTERMINATION - Le combat d'une mère

INATTENDU - Un nouveau témoin se manifeste

RÉACTION - La crédibilité du nouveau témoin est "nulle"

ZOOM - Comment l'enquête est remontée jusqu'à Heaulme ?

DE L'EAU SOUS LES PONTS - Les familles des victimes divisées

CORBEAU - Une lettre anonyme d'Heaulme à la police en 1986

CONFIDENCE - "ce n'était pas moi", dit Heaulme

JUSTICE - Montigny-lès-Metz : Heaulme sera jugé