Pour susciter les dons, l’Eglise ose

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Corentin Bainier , modifié à
Plusieurs diocèses ont fait appel à de grands noms de la pub pour lancer une campagne décalée.

"Au départ, on était étonné. Les diocèses ne sont pas du tout le type de client auquel on est habitué", reconnait au micro d’Europe1.fr David Gillaux, directeur général d’EuroRSCG 360. En 2010, le diocèse de Rennes est pourtant venu frapper une première fois à la porte de cette grande agence de communication et a renouvelé sa demande en 2011. La campagne a été lancée le 21 mars : sur les affiches, des slogans tels que "Avec l’Eglise, investissez dans de vraies valeurs d’avenir*". Plus bas un rappel à l’astérisque énumère : "l’accompagnement des jeunes, l’expérience du respect...". L’Eglise est un client certes, mais singulier et avec lequel le travail n’est pas tout à fait le même pour les communicants.

Sur le fond, l’objectif de l’Eglise est clair : le socle de ses donateurs s’effrite et vieillit, 76 ans de moyenne d’âge, et en conséquence les dons baissent. Or l’Eglise ne vit que des dons. "Ils veulent de nouveaux donateurs, se demandent comment accrocher les 60% de Français qui se disent Catholiques et ne donnent pas", décrypte pour Europe1.fr Brigitte Meyer, directrice de l’agence BB Com, qui orchestre depuis quatre ans la campagne de pub du diocèse de Nancy pour la Meurthe-et-Moselle, et lance aujourd’hui son édition 2011. L’affiche montre une croix tenue comme un pistolet, sur laquelle est écrit : "Ne désarmez pas, donnez !" et dont le "canon" laisse échapper un nuage de valeurs catholiques positives.

Codes du hard-discount

Mais "accrocher" un public de croyants n’est pas chose aisée : "il faut pouvoir élargir le socle de donateurs sans pour autant choquer le public traditionnel", analyse David Gillaux. "La difficulté c’est qu’on touche au sacré. Si on veut faire une campagne de communication différente, il faut voir où on met le curseur. Jusqu’où peut-on aller sans faire de blasphème ?", précise Brigitte Meyer.

En 2010, BB Com avait déjà proposé une affiche détonante sur laquelle était écrit "Jésus crise, donnez que diable !". De son côté, Euro RSCG avait joué l’an dernier en Bretagne sur les codes du hard-discount , avec des couleurs "flashy".

Communication à l’eau tiède

Pour les deux agences, la nécessité de sortir des campagnes traditionnelles de l’Eglise est donc apparue évidente. "Si le diocèse a contacté EuroRSCG 360, c’est qu’il voulait qu’on pousse les limites, y compris les leurs. Il y avait une réelle volonté d’aller plus loin", explique David Gillaux. Comme BB Com, Euro RSCG 360 a fait plusieurs propositions d’affiches. Sans croire que la plus décalée emporterait la mise. "Le mode de décision du diocèse est collégial et il n’y a rien de pire pour une agence de communication car, dans ces configurations, la campagne qui est choisie est systématiquement la plus consensuelle", poursuit David Gillaux. Ce qui n’a pourtant pas empêché les résultats de détonner.

Le choix de campagnes décalées demande néanmoins aux communicants d’être persuasifs. "Pour réveiller les consciences, on a expliqué à l’Eglise qu’on ne pouvait pas faire de la communication à l’eau tiède. Il faut également qu’ils comprennent que cela nécessite de la pédagogie en interne : les prêtres doivent mouiller leurs chemises, s’approprier la campagne pour convaincre les fidèles de son bien-fondé", explique encore Brigitte Meyer.

Les résultats semblent payer. "Le diocèse ne communique pas de chiffres, mais s’il est revenu vers nous en 2011, c’est que ça a très, très bien marché", se satisfait David Gillaux. En Meurthe-et-Moselle, Brigitte Meyer rapporte que le diocèse a enregistré "plus de 1 000 nouveaux donateurs et un certain rajeunissement des contributeurs". La communication décalée, c’est peut-être le premier ingrédient de la recette miracle d’une Eglise en crise.